Relire… Les Confessions – 24

Augustin d’Hippone

Relire… Les Confessions – XXIV

Nous étions à Ostie, à l’embouchure du Tibre. Ma mère est morte.

Accepte mes aveux et mes remerciements, mon Dieu, pour d’innombrables choses que je tais. Mais je n’oublierai rien de l’amour que j’ai conçu pour elle, Ton esclave, qui m’a conçu pour me faire naître dans sa chair à la lumière du temps, et dans son coeur à celle de l’éternité.

Je ne vais pas parler de ses dons mais de Tes dons en elle. Elle ne s’est pas faite elle-même ni éduquée elle-même: Tu l’as créée, et ni son père ni sa mère ne savaient quelle personne se ferait à partir d’eux. Elle fut instruite dans Ton amour par la baguette de Ton Messie, sous la conduite de Ton Fils unique, dans un foyer croyant, membre sain de Ton assemblée. Elle prétendait qu’elle ne devait pas tant son éducation aux soins de sa mère qu’à ceux d’une vieille esclave décrépite qui avait porté sur son dos son père enfant, comme les aînés portent souvent les plus petits. Ce souvenir, avec son grand âge et sa conduite irréprochable, lui valaient, dans ce foyer chrétien, les égards de ses maîtres.

Elle avait le don de pacifier, dès qu’elle pouvait, quiconque se divisait et s’opposait. Elle avait beau entendre de part et d’autre des gens se plaindre amèrement, et pleins de colère, vomir comme d’habitude leur brouille indigeste, lorsqu’en présence d’une amie, et en l’absence de l’ennemie, l’acidité des conversations laisse transpirer une haine crue. Elle ne répétait rien à l’une et à l’autre, que ce qui pouvait servir à les réconcilier. Cela m’aurait paru plus insignifiant si je n’avais fait la triste expérience d’une foule de gens qui, par je ne sais quelle horrible contagion du mal très largement répandu, rapportent à la colère ennemie les propos de la colère ennemie, voire même en inventent! Au contraire, l’humanité de l’homme se doit de juger qu’il est même insuffisant de ne pas exciter ni augmenter les divisions entre les hommes en parlant méchamment, sans chercher aussi à les éteindre par des paroles apaisantes. Comme ma mère que Tu formais, Toi Seigneur de l’intimité, à l’école du coeur.

Saint Augustin, Les aveux / Les confessions (P.O.L, 2013)

image: Saint Augustin et le mystère de la sainte Trinité, Eglise catholique du Tarn / France (catholique-tarn.cef.fr)

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