Chemins de traverse – 651 / Léon Tolstoï

Léon Tolstoï

Plus je regarde la lune haute et pleine, plus la vraie beauté et le vrai bonheur me paraissent monter, monter encore, s’épurer, s’épurer encore, se rapprocher, se rapprocher encore de Celui qui est la source de toute beauté et de tout bien. Des larmes d’une joie inassouvie mais troublante me montent aux yeux. Et j’étais toujours seul, et il me semblait toujours, dans ces instants, que la nature, dans sa majesté mystérieuse; que le rond brillant de la lune, arrêté à un endroit indéterminé, tout en haut du ciel bleu pâle, mais en même temps présent partout et remplissant toute la vaste étendue de la campagne; que moi-même, vermisseau infime, déjà souillé de toutes les mesquines et misérables passions humaines, mais en possession de la force immense contenue dans l’amour: il me semblait, toujours, dans ces instants, que la nature, la lune et moi, nous ne faisions qu’un.

Léon Tolstoï, Enfance – Adolescence – Jeunesse (coll. Folio/Gallimard, 2006)

image: Carl Blechen, Route de campagne en hiver au clair de lune (pinterest.fr)

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications