Yves Raguin
Chemins de la contemplation – XXXIX
L’âme vit de la vie de Dieu et dans une telle intimité qu’elle ne se voit plus en face de Dieu Trinité, mais à l’intérieur même de celle-ci. Elle vit de relations d’intimité avec chacune des trois Personnes, des relations qui sont pour elle aussi naturelles, simples et concrètes que les relations avec des amis très chers. Quand Dieu l’élève au-dessus de ses propres forces pour lui faire entrevoir ce qu’est la vie en Lui pour toujours, après la mort, elle perd pied en elle-même, mais retrouve une assise infiniment plus ferme en Dieu. Elle ne sait plus très bien où elle finit et où Dieu commence, s’il est possible de parler ainsi.
Tel est le langage normal de Dieu dans la vie mystique. Il parle en actes plus qu’en paroles. C’est là le vrai langage, le langage qui seul peut exprimer Son être et Son amour. Il n’est pas raisonnable de mettre dans la bouche de Dieu de pieux discours. La réalité de Son langage est tellement plus belle. Il n’a que faire de littérature pour parler aux âmes. Son Fils a tout dit et cette parole est vie.
Et quand Dieu a ainsi découvert Sa face à l’homme, Il peut se manifester en mille et un langages. En tout Il se manifeste, la nature, les hommes, les événements et surtout Son Verbe, Son Eglise et leurs paroles à l’un et à l’autre. Tout parle de Dieu, tout le chante.
Telle est la vocation du contemplatif. Il se donne à Dieu pour que Dieu puisse s’exprimer dans sa vie. Il devient le grand patient de Dieu… Il voit Dieu, il vit Dieu. Dans son langage d’homme il essaie de convier les hommes à reconnaître le pas de Dieu sur les grèves de ce monde et à entendre Sa voix dans toute la création. Le chemin est très ardu qui y conduit, mais, comme c’est Dieu qui nous y guide, pourquoi craindre de nous y engager? A tous les pas que nous faisons, Dieu est là.
(fin)
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)
