Yves Raguin
Chemins de la contemplation – XXXI
Le grand problème de la contemplation mystique est sa propre vérité. Le mystique peut-il atteindre Dieu? Dans toutes les grandes religions le problème est posé.
Pour le chrétien, il existe une certitude de foi. Dans le Christ, il peut atteindre Dieu. Jésus dit: Qui me voit voit le Père (Jn 14,9). Cela est ainsi parce que le Fils est dans le Père (Jn 14,10) et que le Fils et le Père sont un (Jn 10,30). Le problème est de voir le Christ en profondeur. Beaucoup ne L’ont vu qu’en surface et L’ont pris pour un homme comme les autres, tout au plus comme un prophète. Les apôtres, eux, ont fini par Le voir dans Sa réalité profonde, et ainsi ils ont vu Dieu en Lui; ils L’ont vu Dieu.
Tout chrétien peut voir et toucher Dieu dans la foi; pour le contemplatif, cette vie de foi se fera lumière sur Dieu et sur lui. Ici, les méthodes les plus perfectionnées pâlissent. Elles sont onéreuses à l’homme et risquent de l’égarer en lui-même sans le faire déboucher sur l’Autre qui est Dieu.
Il est un chemin mystérieux qui, de toute âme, mène à Dieu. Depuis toujours, des âmes désireuses d’absolu s’y sont engagées. Il est un ordre des choses que nous appelons naturel. Dans cet ordre, l’homme est en relation avec Dieu, son créateur et son Dieu. Si Dieu l’a créé par amour, il est inconcevable qu’il ne lui ait pas donné le moyen de Le rejoindre par une voie cachée au fond même de la nature humaine. Nous savons que cette relation fondamentale à Dieu est infiniment mystérieuse. C’est pourquoi la pensée humaine a tant erré à la recherche de Dieu. Mais cet effort de tant d’âmes n’a pas été vain, car certainement beaucoup ont pressenti Dieu dans la nature et dans leur être, et L’ont touché.
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)
