Yves Raguin
Chemins de la contemplation – XXVII
Quand l’âme est dans la nuit, elle éprouve un tel dégoût pour toutes choses, pour elle-même et tout le reste, pour la prière aussi, qu’elle est plongée dans une grande souffrance. Elle voudrait pouvoir retrouver la paix d’autrefois, mais cela ne dépend pas d’elle, elle ne peut se forger un bonheur avec les souvenirs du passé. Ce serait être infidèle à Dieu qui la veut maintenant dans la nuit, une nuit solitaire et douloureuse. Les douces heures de quiétude bienheureuse lui ont laissé une nostalgie profonde. Elle regarde vers le passé avec un regard vide… et le présent n’est pour elle que solitude, dégoût. Tout ce qu’elle peut faire, c’est, au souvenir des grâces passées, espérer en l’avenir… Mais l’avenir lui paraît bouché…
L’âme voudrait retrouver la chaleur de la joie et de l’amour d’autrefois. Son Dieu n’est plus là pour l’éclairer, pour la consoler, pour lui faire percer d’un regard fulgurant Son mystère. Qui pourrait l’entendre, quand sa voix se perd dans l’immensité silencieuse? Silence d’acier dans la nuit noire. Ceux qui n’ont jamais traversé cette épreuve ne peuvent savoir ce que c’est… Dieu, Dieu… L’âme peut appeler… Il faut que l’âme sache que sa voix se perd dans le vide… et pourtant Dieu l’entend.
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)
