Morceaux choisis – 122 / Martin Luther King

Martin Luther King

Ce fut, lorsque je devins partiellement responsable du boycottage des autobus à Montgomery que je fus confronté réellement avec les épreuves de la vie. Presque aussitôt après le lancement de cette protestation, nous commençâmes à recevoir à domicile des menaces par téléphone et par lettres. Sporadiques au début, elles se multiplièrent de jour en jour. Je les pris d’abord à la légère, estimant qu’elles venaient de quelques têtes chaudes qui se décourageraient dès qu’elles constateraient que nous ne répondions pas. Mais les semaines passant, je compris que beaucoup de ces menaces étaient sérieuses. Je me sentis hésitant et ma peur grandit.

A la fin d’une journée particulièrement chargée, je me couchai à une heure tardive. Ma femme dormait déjà et j’étais sur le point de m’assoupir quand le téléphone sonna. Une voix en colère dit: Ecoute nègre, nous en avons assez de toi. Avant la semaine prochaine, tu regretteras d’être venu à Montgomery. Je raccrochai, mais le sommeil était parti. Il me semblait que toutes mes craintes m’étaient revenues d’un coup. J’avais atteint le point de saturation.

Je sortis du lit et commençai à arpenter le plancher. Finalement, j’allai à la cuisine et fis chauffer du café. J’étais prêt à abandonner. J’essayai de trouver un moyen de disparaître sans avoir l’air d’un lâche. Dans un état d’épuisement, alors que mon courage était presque entièrement perdu, je décidai de remettre mon problème à Dieu. La tête dans les mains, je m’inclinai sur la table de la cuisine et je priai à haute voix. Ce que je dis à Dieu cette nuit-là est encore vivant dans ma mémoire: Je me suis dressé ici pour ce que je crois être juste. Mais maintenant j’ai peur. Les gens se tournent vers moi pour être guidés et si je vais devant eux sans force et sans courage, eux aussi chancelleront. Je suis au bout de mes forces. Il ne me reste rien. J’en suis venu au point où seul je ne puis plus faire face.

A ce moment même, j’eus conscience de la présence divine comme jamais auparavant. C’était comme si je pouvais entendre la tranquille assurance d’une voix intérieure: Debout pour la justice. Debout pour la vérité. Dieu sera toujours à tes côtés. Presque aussitôt mes craintes commencèrent à me quitter. Mon incertitude disparut. J’étais prêt à tout affronter. La situation extérieure n’avait pas changé, mais Dieu m’avait donné le calme intérieur.

Martin Luther King, La force d’aimer (Casterman, 1990)

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