Chemins de la contemplation – 21

Yves Raguin

Chemins de la contemplation – XXI

De tous les tourments, le plus terrible est celui de la ténèbre divine. Il commence dès que Dieu se montre à l’âme, il commence dès que Dieu prépare l’âme à un mode de connaissance différent de la simple connaissance de foi. Comme les tourments décrits plus haut, il est donc causé par la proximité de Dieu. L’âme purifiée se trouve encore plus seule, plus laissée à elle-même devant l’approche de Dieu. Ce nouveau tourment atteint l’âme dans ses facultés les plus hautes… et non plus dans sa nature plus sensible. Elle voit qu’elle ne peut se faire capable de Dieu. L’approche de Dieu l’aveugle, l’écrase, même si elle lui apporte une grande joie. Dieu apparaît tellement au-dessus de ses forces et facultés qu’elle se trouve réduite au silence, à l’impuissance… La lumière de Dieu l’aveugle, Sa grandeur la réduit à néant… et pourtant elle se sait aimée. Son tourment est de ne pouvoir même pas recevoir tout l’amour que Dieu lui témoigne.

L’âme désire Dieu. Elle se sait aimée de Lui. Elle essaie de se hausser jusqu’à Lui, mais comprend qu’elle en est incapable. Il ne s’agit pas ici d’accumuler des énergies humaines, de les pousser jusqu’à leur paroxysme. Cet effort ne fait que mieux saisir l’inaccessibilité divine. Dieu se laisse entrevoir, désirer, mais Il laisse l’âme dans un sentiment effrayant d’impuissance… C’est le noir, le vide, le dégoût. Et pourtant la mesure même de ce tourment révèle l’intensité des approches de Dieu.

Si Dieu était loin, l’âme de l’aurait jamais autant désiré et jamais elle ne serait entrée dans ces tourments. Ces tourments tiennent à la nature de l’homme et à la nature de Dieu. C’est la rencontre des deux qui les produit et qui, un jour, les transformera en une union dans la joie parfaite.

Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)

image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)

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