Chemins de la contemplation – 18

Yves Raguin

Chemins de la contemplation – XVIII

La prière de l’âme reste suspendue entre une activité passée qui n’a plus de raison d’être et une prise en main par Dieu qui n’est pas encore réalisée. Pour la plupart des âmes, c’est ici que se placent les grands tourments, les nuits, les déserts. L’âme est toute en attente, brûlée de désir… Elle souffre d’être hors d’elle-même, de la maison confortable de ses propres pensées… Elle souffre de se voir encore indigne d’être reçue dans la contemplation du Seigneur.

Elle sue sa sève humaine, elle dégorge son orgueil, elle suinte sa vanité, sa sensualité, sa paresse… tout ce qui ne peut entrer dans la vision de Dieu. Parfois Dieu fond sur l’âme, brûle, frappe, hache, saccage, détruit, broie, transperce… Il le faut, si l’âme tient à ses meubles… Et quand tout est lavé, rincé, essoré, passé au feu, Dieu se montre… Dieu fait alors don de Sa présence. Il met dans l’âme une paix immense. Il la console, la fortifie, l’enrichit de vertus, l’illumine, lui révèle Son amour. Il se montre à elle et l’introduit dans Son activité divine.

L’ame, qui avait vu son activité personnelle réduite à rien, la voit reprendre de la force et de l’ampleur, mais cette fois-ci dans l’immensité de Dieu. Ses horizons ne sont plus les siens, mais ceux de Dieu. Elle ne connaît plus de limites. Elle va d’elle-même, comme naturellement, jusqu’aux profondeurs de Dieu et étend Son amour à l’univers entier des âmes. Elle vit en Dieu, agit en Dieu, aux dimensions de Dieu, dans la force de Dieu. Elle n’agit plus elle-même, elle est agie par Dieu, et pourtant c’est bien son activité personnelle.

Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)

image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications