Yves Raguin
Chemins de la contemplation – XV
Au début, Dieu ne se montre pas, pas plus qu’Il ne se manifeste dans la croissance des plantes ou dans les actes ordinaires de l’homme. Cependant, c’est son activité profonde qui donne l’être à tout ce qui existe et l’agir à tout ce qui se meut. L’âme sait que son action n’a de sens et de valeur qu’immergée dans l’action divine. Dieu incite l’âme à Le chercher d’abord dans la connaissance qu’Il lui donne par la foi, de Sa grandeur et de Ses perfections. Dieu peut ainsi donner à l’âme un goût, un attrait qui vont rendre savoureux l’exercice de la contemplation. Ce qui jusque là semblait sans goût, éclairé seulement d’une lumière de foi, va devenir plein d’une saveur mystérieuse. Cela pourra sembler tout naturel, pourtant c’est déjà la manifestation d’une action toute particulière de la grâce divine.
Dieu peut ainsi surgir du fond de l’âme ou des profondeurs de la nature. Peu importe… L’âme sait que c’est son Dieu et cela lui suffit. Elle sait qu’Il est là, mystérieusement manifesté. Elle pensait, au début, que ce n’était qu’une forme plus intense et plus intérieure de recueillement, puis elle a perçu ce qu’elle ne peut mieux décrire en l’appelant une présence ou un visage. Un autre était là… un autre qui peu à peu grandit, se fait connaître et reconnaître comme l’Autre, ce grand Etre qui est le seul et unique vrai partenaire de l’âme humaine.
Un jour, cette présence sera si immense et ce visage si évident qu’elle ne pourra rien faire d’autre, cette âme, que de rester là sans pouvoir faire un geste, ni dire un mot, ni évoquer une pensée; Dieu occupera tout le champ de sa conscience et de sa vision… Dieu aura tout envahi… Et l’âme sera en Lui comme au premier et au dernier jour…
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)
