Morceaux choisis – 170 / Julien Green

Julien Green 

Les personnes qui reviennent de la Messe parlent et rient; elles croient qu’elles n’ont rien vu d’extraordinaire. Elles ne se sont doutées de rien parce qu’elles n’ont pas pris le temps de voir. On dirait qu’elles viennent d’assister à quelque chose de simple et de naturel, et cette chose, si elle ne s’était produite qu’une fois, suffirait à ravir en extase un monde passionné. Elles reviennent de Golgotha et elles parlent de la température…

On dirait que ce que les yeux ne voient point n’a pas d’importance; en réalité il n’y a que cela qui en ait, et il n’y a que cela qui existe… Elles entendent la Messe tranquillement, sans larmes, sans commotion intérieure; c’est admirable. Que faudrait-il donc pour les émouvoir? Quelque chose de commun. Pour voir à quel point elles sont pauvres de coeur, il faut examiner ce qui s’est fait à cause d’elles, ce qui se fait tous les jours, dans toutes les parties du monde, pour sauver leurs âmes inattentives. Leur pauvreté de coeur n’est ni grande ni petite; elle est infinie…

Si elles pouvaient s’étonner. elles seraient sauvées, mais elles font de leur religion une de leurs habitudes, c’est-à-dire quelque chose de vil et de naturel. C’est l’habitude qui damne le monde.

Julien Green, Pamphlet contre les catholiques de France (Plon, 1963)

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