Morceaux choisis – 898 / Charles Péguy

Charles Péguy 

La foi que j’aime le mieux, dit Dieu,
c’est l’espérance.

La foi, ça ne m’étonne pas.
Ça n’est pas étonnant.
J’éclate tellement dans ma création.

La charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas.
Ça n’est pas étonnant.
Ces pauvres créatures sont si malheureuses
qu’à moins d’avoir un coeur de pierre,
comment n’auraient-elles point charité les unes des autres.

Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne.
Moi-même.
Ça c’est étonnant.

Que ces pauvres enfants voient
comme tout ça se passe
et qu’ils croient que demain ça ira mieux.
Qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui
et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin.
Ça c’est étonnant
et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce.
Et j’en suis étonné moi-même.

Quelle ne faut-il pas que soit ma grâce
et la force de ma grâce
pour que cette petite espérance,
vacillante au souffle du péché,
tremblante à tous les vents,
anxieuse au moindre souffle,
soit aussi invariable,
se tienne aussi fidèle, aussi droite, aussi pure;
et invincible, et immortelle, et impossible à éteindre;
que cette petite flamme du sanctuaire,
brûle éternellement dans la lampe fidèle.

Charles Péguy, Le porche du mystère de la deuxième vertu / extrait (coll. Poésie/Gallimard, 1986)

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