Chemins de traverse – 752 / Antonio Machado

Antonio Machado

J’ai connu beaucoup de chemins,
j’ai tracé beaucoup de sentiers,
navigué sur cent océans,
et accosté à cent rivages.

Partout j’ai vu
des caravanes de tristesse,
de fiers et mélancoliques
ivrognes à l’ombre noire

Et des cuistres, dans les coulisses,
qui regardent, se taisent et se croient
savants, car ils ne boivent pas
le vin des tavernes.

Sale engeance qui va cheminant
et empeste la terre…

Et partout j’ai vu
des gens qui dansent ou qui jouent,
quand ils le peuvent, et qui labourent
leurs quatre empans de terre.

Arrivent-ils quelque part,
jamais ne demandent où ils sont.
quand ils vont cheminant, ils vont
sur le dos d’une vieille mule;

Ils ne connaissent point la hâte,
Pas même quand c’est jour de fête.
S’il y a du vin, ils en boivent,
Sinon ils boivent de l’eau fraîche.

Ce sont de braves gens qui vivent,
qui travaillent, passent et rêvent,
et qui un jour comme tant d’autres
reposent sous la terre.

Antonio Machado, Champs de Castille, précédé de: Solitudes, galeries et autres poèmes – suivi de: Poésies de la guerre (coll. Poésie/Gallimard, 1980)

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