Morceaux choisis – 865 / Oscar Romero

Oscar Romero

Le monde des pauvres, aux caractéristiques sociales et politiques bien concrètes, nous enseigne où l’Eglise doit s’incarner pour éviter l’universalité fausse qui se termine toujours par l’entente avec les puissants. Le monde des pauvres nous enseigne ce que doit être l’amour chrétien qui recherche, bien sûr, la paix mais qui démasque le faux pacifisme, la résignation et l’inaction; qui évidemment doit être gratuit, mais qui doit rechercher l’efficacité historique. Le monde des pauvres nous enseigne que la sublimité de l’amour chrétien doit passer par la nécessité impérieuse de la justice pour les masses et ne doit pas fuir la lutte honnête. Le monde des pauvres nous enseigne que la libération arrivera non seulement lorsque les pauvres seront destinataires des bienfaits du gouvernement ou de l’Eglise elle-même, mais lorsqu’ils seront eux-mêmes les acteurs et les protagonistes de leurs luttes et de leur libération, et qu’ils démasqueront ainsi la racine ultime des faux paternalismes, y compris dans l’Eglise.

Le monde réel des pauvres nous enseigne ce qu’est l’espérance chrétienne. L’Eglise prêche le nouveau Ciel et la nouvelle Terre; elle sait en outre qu’aucune configuration socio-politique ne peut remplacer la plénitude finale accordée par Dieu. Mais elle a appris aussi que l’espérance transcendante doit être maintenue par les signes de l’espérance historique, même si ce sont des signes aussi simples en apparence que ceux que proclame le prophète Isaïe lorsqu’il dit: On bâtira des maisons, on y habitera; on plantera des vignes, on mangera leurs fruits. (Is 65,21).

Qu’il y ait là une espérance chrétienne authentique, et non pas une espérance rabaissée au temporel et à l’humain, comme on le dit parfois d’une manière dépréciative, c’est ce que l’on apprend au contact quotidien de ceux qui n’ont ni maison, ni vignes, de ceux qui construisent des maisons pour que d’autres y habitent et de ceux qui travaillent pour que d’autres mangent les fruits de leur travail.

Oscar Romero, Discours prononcé à l’Université de Louvain – 2 février 1980 (perspective.usherbrooke.ca)

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