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Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)

Le château intérieur – Guide de lecture / extrait

par Tomas Alvarez, ocd 

Introduction aux 46 extraits de l’oeuvre / à suivre

Ordre d’écrire

Le Livre des Demeures ou le Château intérieur de sainte Thérèse est couramment considéré comme le meilleur. Plus qu’une histoire, ce livre est une biographie, plus encore, une autobiographie. Dans son dialogue avec Gratien, alors qu’ils parlent du Livre de la Vie, celui-ci dit à la Sainte: Notez ce dont vous vous souvenez, ajoutez-y d’autres idées et faites un nouveau livre, sans nommer la personne en qui ces choses se sont passées. 

Cet autre livre fut le Château intérieur. L’auteur elle-même, satisfaite de son œuvre, donne sa préférence à celui-ci plutôt qu’à l’autre: aux Demeures plutôt qu’à la Vie. En termes de joaillerie, et bien que pour elle la Vie soit un bijou, le deuxième (le Château intérieur) est plus précieux, avec plus de délicates parures et de labeurs. Dit d’une autre manière et par elle-même: Cet autre joyau est bien supérieur, il me semble, au premier quoique le frère Domingo Bañez dise qu’il n’est pas bon; au moins, j’avais plus d’expérience que lorsque je l’écrivis. L’ordre d’écrire les Demeures lui vint de trois côtés: du père Gratien, du docteur Velazquez et du grand verrier: Jésus-Christ qui était par ailleurs son livre vivant.

Epoque de rédaction, autographe, destinataires

L’heure de la première pierre et celle de la dernière, c’est elle-même qui nous les révèle: Je commence donc à exécuter ce qu’elle me prescrit (l’obéissance), aujourd’hui, fête de la très sainte Trinité de l’année 1577, en ce monastère de Saint-Joseph du Carmel de Tolède, où je me trouve actuellement. Ceci se trouve dans le prologue. Et dans la conclusion du livre: Cet écrit a été achevé au monastère de Saint-Joseph d’Avila, l’année 1577, la veille de saint André (29 novembre), pour la gloire de Dieu, qui vit et règne dans tous les siècles. Amen.  

En tout, six mois moins deux jours entre le moment où elle a commencé à écrire et celui où elle termine. Le livre achevé, elle regarde pour bien employée la peine qu’il m’a coûtée, peine d’ailleurs bien légèreLes premières destinataires sont ses moniales, comme elle le dit dans cette sorte de dédicace: JHS. Ce traité, intitulé le Château intérieur, a été écrit par Thérèse de Jésus, religieuse de Notre-Dame du Mont-Carmel, pour ses sœurs et ses filles, les religieuses carmélites déchaussées.

Tout fidèle chrétien, candidat à la sainteté depuis son baptême et par lui, est également destinataire de l’œuvre.

Visite du Château

C’est l’auteur elle-même qui va nous guider à partir d’une de ses confessions faites à la hâte. La plume à la main, elle cherche comment elle pourra commencer à écrire: Voici ce qui s’est présenté à mon esprit. J’en ferai le fondement de ce que je vais dire. Nous pouvons considérer notre âme comme un château, fait d’un seul diamant ou d’un cristal parfaitement limpide, et dans lequel il y a beaucoup d’appartements, comme dans le ciel il y a bien des demeures (Jn 14, 2). Et en effet; mes sœurs, si nous y réfléchissons bien, l’âme du juste n’est autre chose qu’un paradis où le Seigneur, comme Il nous l’assure Lui-même, prend ses délices (Pr 8, 31). 

Déjà à partir d’ici, sans aucune complication, nous comprenons ce qu’est, ou mieux, qui est pour elle le château intérieur: la personne humaine, et nous voyons comment celle-ci se laisse éclairer par les deux textes bibliques de Jean et des Proverbes. Thérèse divise le livre du Château en sept demeures, mais elle-même avertit: Ne vous représentez pas ici quelques appartements seulement, mais une infinité. Et plus clairement: Je n’ai parlé que de sept demeures, mais chacune d’elles en renferme un grand nombre d’autres, en bas, en haut, sur les côtés. 

Indépendamment de la compréhension du château dans lequel on rencontre, on voit, on peut visiter et parcourir divers appartements, chambres, pièces, demeures, il faut toujours se souvenir que c’est l’âme qui possède en soi-même les diverses ou différentes demeures, qui les porte avec elle. Le château est l’âme considérée comme répartie en sept demeures, sans préjudice du fait que ces sept demeures se multiplient en soixante-dix fois sept, c’est-à-dire en innombrables demeures.

Le parcours du château est rendu facile et plaisant grâce à la main de l’auteur. Après avoir lu lentement le prologue, le lecteur se laisse conduire par les titres des 27 chapitres que contient le livre. La Sainte possède une habilité singulière pour résumer dans ces épigraphes ce qu’elle veut dire. Bien plus, comme il semble certain que les titres ont été écrits après la rédaction du texte, l’habilité de l’auteur à synthétiser et à clarifier en est doublée. La lecture des 27 chapitres terminée, le lecteur portera son attention sur la conclusion, où la Madre expose une fois de plus des critères de vie et de lecture qu’elle a semés tout au long du livre.

Le thème ou, pour mieux dire, la réalité de l’oraison est présent dans tout le Château comme fil conducteur. Quelqu’un, en France, a écrit il y a longtemps, bien que ce ne fût pas à propos de la doctrine thérésienne: L’oraison est la première chose de tout. Ce n’est pas l’essentiel: l’essentiel, c’est la charité qui résume en elle-même la perfection, Dieu même. Mais l’oraison est la première chose.

C’est pour cela que José Vicente Rodriguez a écrit avec raison : Partant de la réalité de la grâce et de l’amour, qui font que l’âme est agréable à Dieu, qu’elle est le paradis où il prend ses délices (Premières Demeures), les demeures se forment sur le fondement de l’amour; elles deviendront les divers degrés d’amour de l’âme, puisque l’avancement de l’âme ne consiste pas à penser beaucoup mais à aimer beaucoup (Fondations) et aussi que pour monter à ces Demeures qui sont l’objet de nos désirs, l’essentiel n’est pas de penser beaucoup mais d’aimer beaucoup (Quatrièmes Demeures). Cet amour n’exclut pas mais inclut d’autres activités, d’autres pratiques, et nous tendrons ainsi à ce que l’âme établie dans l’amour s’emploie, par exemple, dans la connaissance de soi et dans la pratique de l’humilité, et nous aurons les premières demeures.

Pour comprendre pleinement comment la Sainte transmet toute sa charge doctrinale, il est conseillé de lire attentivement le dernier chapitre du livre: les Septièmes Demeures. La Madre y donne l’impression de vouloir se poser sur les fondements les plus solides de la vie chrétienne: l’amour fraternel et la configuration au Christ. Le Château intérieur est, sans doute, un splendide manuel de sainteté.

Pour conclure

Dans les Sixièmes Demeures, la Sainte nous surprend par l’identité et, en même temps, par la diversité qu’elle signale dans ce passage: Représentons-nous Dieu comme une demeure, un palais, d’une grandeur et d’une beauté admirables. Ce palais, je le répète, c’est Dieu même. En prolongeant ces paroles, on arrive immédiatement à ceci: Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5, 48). Nous dirions ici: soyez de beaux châteaux comme l’est votre Père céleste.

Le fameux Catéchisme hollandais présente ainsi aux croyants d’aujourd’hui cette œuvre thérésienne: Sainte Thérèse écrivit un livre dans lequel l’âme est représentée par un Château de sept demeures. Demeure après demeure, on arrive à la septième où habite Dieu, c’est-à-dire le Christ. Sa présence est perçue dans tout le Château, mais lorsque l’âme arrive au centre, immergée dans la réalité même, elle se sent toute envahie par le paisible sentiment que Dieu est en elle. L’âme vit dans la réalité terrestre qui se présente magnifique à ses yeux car elle comprend que Dieu est le cœur ineffable de toute réalité. 

Tomas Alvarez, Introduction aux oeuvres de Thérèse d’Avila, vol. 4: Le Château intérieur ou Les Demeures (carmel.asso.fr)

image: Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa / Chiesa di Santa Maria della Vittoria, Roma – Italia (artspecialday.com)

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