Morceaux choisis – 307 / Thérèse de Jésus

Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)

Bien souvent dans mes commencements, j’avais un grand plaisir à considérer mon âme comme un jardin, et à me représenter Notre-Seigneur s’y promenant. Je Le suppliais d’accroître pour Sa gloire le parfum de ces petites fleurs, de ces vertus qui semblaient sur le point de paraître, d’en prendre soin Lui-même, et, puisque je ne voulais rien pour moi, de couper celles qu’Il voudrait: je savais bien qu’elles repousseraient plus belles.

Je dis couper. C’est que, en effet, il y a des temps où le jardin devient méconnaissable. Tout y paraît flétri, l’eau qui devait l’entretenir est comme tarie; on dirait qu’il n’y eut jamais dans cette âme la moindre vertu. C’est là un état fort pénible. Dieu le permettant ainsi, le pauvre jardinier se figure avoir pris en pure perte la peine d’entretenir et de soigner son jardin. C’est alors le bon moment de sarcler et d’enlever, jusqu’à la racine, les moindres mauvaises herbes qui sont demeurées.

C’est également celui de reconnaître combien nos efforts sont insuffisants quand Dieu nous retire l’eau de sa grâce, et de faire peu cas de nous-mêmes, qui ne sommes que néant, et moins encore. L’âme acquiert par là une grande humilité, et les fleurs croissent ensuite tout de nouveau.

Thérèse d’Avila, Livre de la vie, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)

image: Les Saules, Cologny / Suisse (2014)

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