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Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila) 

Le château intérieur – XVII. Cinquièmes Demeures – I

Vous avez probablement entendu parler des merveilles que Dieu déploie dans la production de la soie, admirable invention dont Lui seul a pu être l’auteur. Vous savez comment elle provient d’une semence assez semblable à de petits grains de poivre. Cela, je ne l’ai jamais vu, je l’ai seulement entendu raconter; si donc il se glisse quelque inexactitude dans ce que je vais dire, ce n’est pas à moi qu’en sera la faute. Lorsque les mûriers commencent à se couvrir de feuilles, cette semence, grâce à la chaleur, commence également à prendre vie; car avant qu’ait paru l’aliment dont elle doit se nourrir, elle demeure comme morte.

Les petits vers, une fois éclos, se nourrissent donc de feuilles de mûrier; quand ils sont devenus grands, on place devant eux de petites branches, sur lesquelles ils filent, avec leur petite bouche, la soie qu’ils tirent d’eux-mêmes; ils en forment de petites coques très serrées, dans lesquelles ils se renferment. Chacun de ces vers – ils sont grands et très laids – termine là sa vie; et alors, de chacune des coques s’échappe un papillon blanc, des plus gracieux. Si cela ne se passait pas sous nos yeux et qu’on nous le raconte comme si c’était arrivé jadis, qui pourrait jamais le croire? Comment se persuader qu’un être dépourvu de raison, comme un ver, une abeille, se montre si diligent et si habile à travailler pour nous, et qu’il soit vrai que le pauvre petit ver à soie meure à la tâche?

Cela, même en m’en tenant là, peut vous servir pendant quelque temps de sujet de méditation: vous y trouverez de quoi admirer les merveilles et la sagesse de notre Dieu.

Thérèse d’Avila, Le château intérieur, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)

image: Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa / Chiesa di Santa Maria della Vittoria, Roma – Italia (artspecialday.com)

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