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Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)

Le château intérieur – XXVI. Sixièmes Demeures – III

O mon grand Dieu tout-puissant! Que Vos secrets sont impénétrables! Et que les choses de l’esprit sont différentes de tout ce qu’on peut voir et comprendre ici-bas, puisqu’il n’est pas de mots capables de donner l’idée de celle-ci, si petite pourtant à côté de tant d’autres merveilles que Vous opérez dans les âmes!

L’effet qu’elle produit est tel, que l’âme se consume de désirs et ne sait pourtant que demander, parce qu’elle sent clairement que son Dieu est avec elle. Vous me direz: Mais si elle a cette connaissance, que désire-t-elle? de quoi s’afflige-t-elle? et que veut-elle de plus? Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que cette peine la pénètre jusqu’aux entrailles, et qu’on les lui arrache, semble-t-il, quand le divin Archer retire la flèche dont Il l’a percée, tant est vif le sentiment de l’amour qu’elle Lui porte. Ne serait-ce pas que du sein de ce brasier enflammé qui est mon Dieu une étincelle a jailli et est venue toucher l’âme, lui faisant sentir l’ardeur de cet incendie? Mais comme, si délicieuse qu’elle soit, elle ne suffit pas à la consumer, elle la laisse livrée à cette peine, qui est l’effet de son attouchement. Cette comparaison est encore la meilleure dont je me sois servie, je crois.

En effet, cette savoureuse douleur – qui, à proprement parler, n’est pas une douleur – ne persévère pas dans un même état. Tantôt elle dure un bon moment, tantôt elle passe vite; c’est selon qu’il plaît au Seigneur de la faire sentir, car ce n’est pas une chose qui puisse s’obtenir par un travail humain. Si parfois elle dure un certain temps, c’est avec des alternatives. En un mot, elle n’est jamais stable; aussi n’embrase-t-elle jamais l’âme entièrement. Au moment où cette dernière va s’enflammer, l’étincelle s’éteint, et l’âme sent le désir de souffrir de nouveau la peine toute d’amour qu’elle lui cause.

Il n’y a pas à se demander si c’est un effet de la nature ou de la mélancolie, ou bien encore une illusion causée, soit par le démon, soit par l’imagination, car il est visible que le mouvement imprimé à l’âme vient de l’immuable demeure où le Seigneur habite.

Thérèse d’Avila, Le château intérieur, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)

image: Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa / Chiesa di Santa Maria della Vittoria, Roma – Italia (artspecialday.com)

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