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Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)

Le château intérieur – XXXVII. Septièmes Demeures – V

Voici ce qui m’étonne. Une fois arrivée là, l’âme n’a plus de ravissements, ou, si elle en a, ce qui est très rare, ce ne sont plus de ces enlèvements et de ces vols d’esprit, comme ceux dont j’ai parlé. En outre, cela ne lui arrive presque jamais en public, chose qui lui était fort habituelle. Les objets même les plus capables d’exciter sa dévotion ne produisent plus en elle un tel effet, tandis qu’auparavant il suffisait pour cela d’une dévote image, des premières paroles d’un sermon, du son d’un instrument de musique.

Le pauvre petit papillon vivait dans une telle anxiété, que tout, en quelque sorte, l’effrayait et lui faisait prendre son vol. Soit qu’il ait trouvé son repos, soit que l’âme, ayant vu tant de merveilles dans cette dernière Demeure, ne s’étonne plus de rien, soit qu’elle ait perdu le sentiment de sa solitude depuis qu’elle jouit d’une si divine compagnie, soit pour quelque autre cause que j’ignore, toujours est-il, qu’à partir du moment où le Seigneur lui découvre les merveilles de cette Demeure et lui en ouvre l’entrée, elle perd cette grande faiblesse qui lui était si pénible, et dont rien n’avait pu la délivrer.

Peut-être cela vient-il de ce que le Seigneur l’a fortifiée, dilatée et rendue capable de Ses opérations. Peut-être aussi voulait-Il auparavant rendre publiques les grâces dont Il la favorisait en secret, et cela pour des fins connues de Lui, car Ses jugements dépassent tout ce que notre esprit peut concevoir ici-bas.

Thérèse d’Avila, Le château intérieur, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)

image: Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa / Chiesa di Santa Maria della Vittoria, Roma – Italia (artspecialday.com)

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