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Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)

Le château intérieur – V. Secondes Demeures – I

La persévérance est ici ce qu’il y a de plus nécessaire; avec elle, on ne manque jamais de gagner beaucoup. Mais ils sont terribles, les combats que sous mille formes différentes les démons livrent à l’âme, et cette dernière en souffre beaucoup plus que dans la Demeure précédente. Là elle était muette et sourde, ou du moins elle entendait peu, et elle résistait moins encore, semblable à une personne qui a presque perdu l’espoir de vaincre. Ici, son esprit est plus vif, et ses puissances plus vigoureuses. D’un autre côté, les coups et les décharges de l’ennemi sont d’une telle violence qu’elle ne peut faire autrement que de les entendre. Les démons lui représentent alors les biens de ce monde, qui sont ces couleuvres dont j’ai parlé; ils lui dépeignent ses plaisirs en quelque sorte comme éternels; ils lui rappellent l’estime dont elle est l’objet, l’affection de ses amis et de ses parents, sa santé qu’elle va compromettre par les pratiques de pénitence, car en pénétrant dans cette Demeure, l’âme sent toujours le désir d’en embrasser quelques-unes; enfin, ils lui objectent mille autres difficultés.

O Jésus! quel tapage ne font pas ici les démons, et quelle n’est pas l’affliction de la pauvre âme! Elle ne sait si elle doit passer outre ou retourner à la première Demeure, car, d’autre part, la raison lui montre que c’est folie d’attribuer la moindre valeur à tous ces avantages mis en regard de ceux qu’elle ambitionne. La foi lui enseigne de quel côté se trouve son véritable intérêt. La mémoire lui représente où vont aboutir tous ces faux biens: elle lui remet sous les yeux la mort de plusieurs personnes de sa connaissance qui en avaient joui avec abondance; elle lui rappelle comment pour quelques-unes cette mort a été subite, et dans quel rapide et universel oubli elles sont tombées. Elle lui rappelle en particulier que plusieurs de ceux qu’elle a connus au comble de la prospérité ont été ensuite foulés aux pieds par les passants, qu’elle-même a souvent traversé le lieu de leur sépulture…

En même temps, sa volonté incline à aimer Celui en qui elle découvre tant d’amabilités, et dont elle a reçu de si nombreux témoignages d’amour qu’elle voudrait payer de retour en quelque chose. Surtout, elle est touchée de cette pensée que ce véritable Amant ne la quitte jamais, que toujours Il l’accompagne, lui donnant l’être et la vie.

Thérèse d’Avila, Le château intérieur, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)

image: Gian Lorenzo Bernini, Estasi di Santa Teresa / Chiesa di Santa Maria della Vittoria, Roma – Italia (artspecialday.com)

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