Chemins de traverse – 283 / Hector Bianciotti

Hector Bianciotti

Durant des années parfois, la vie semble manquer de vie, du moins à nos yeux. Jusqu’à ce qu’un jour, bon ou mauvais, les choses reviennent vers nous, nous cernent – les moments qu’alors nous ignorions qu’ils seraient notre enfer ou, plus rarement, notre paradis, reviennent et, se tenant par la main, forment une ronde d’heures, réduisant, estompant les images de la raison, et tout un carnaval grandit alors dans l’ombre tandis qu’un enfant, un train qui part, une mère en larmes, une voix, un visage ou le portrait de ce visage, un crépuscule qui allonge l’ombre des statues, un mort ou un adieu apparaissent et demeurent, omniprésents dans la masse stratifiée de cette vie que les années ont polie – comme dans les cicatrices profondes de la pierre surgissent, quand la patience les polit, la goutte d’eau, la fougère ou le triangle équilatéral, plus forts que la splendeur compacte de la pierre.

Hector Bianciotti, L’amour n’est pas aimé (coll. Imaginaire/Gallimard, 1986)

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