Yves Raguin
Chemins de la contemplation – VIII
Dans la contemplation, l’âme saisit qu’elle est plus qu’elle-même… Quand elle atteint la raison profonde de son être, elle découvre que, par son origine, par les puissances qui l’animent, par sa destinée, cet être est vraiment plus que lui-même, car Dieu s’y trouve partout… Dieu s’y trouve partout et, pourtant, c’est son être humain, vraiment. En touchant au principe de son être, elle découvre que Dieu est là. L’homme se trouve là devant un grand mystère. Ce mystère pourrait être relégué au rang des sujets inutiles à explorer, s’il n’était pas un mystère vivant pour celui qui approche de Dieu dans la contemplation.
Comme dans la Trinité, c’est la dépendance totale du Fils par rapport au Père qui le fait Fils et non Père. De même dans le rapport de l’homme à Dieu, c’est dans sa relation la plus intime avec Dieu que l’homme se réalise le plus totalement comme personne. Plus il se voit et se fait dépendant de la source de son existence, plus il grandit en liberté vraie. Le mystique contemplatif sait bien que c’est dans cette dépendance qu’il accède à la suprême liberté.
L’homme, si petit devant Dieu, est plus grand que lui-même dans sa filiation divine… Quel que soit le chemin suivi dans la contemplation, si celle-ci est conforme à la nature humaine, le contemplatif découvrira en lui des richesses tellement extraordinaires, qu’il ne pourra les appeler que Dieu, ou l’Absolu, ou l’Un. En allant jusqu’au bout de lui-même, il découvre qu’il n’est pas le bout de toutes choses. Un Autre, en lui, lui apparaît qui prend peu à peu toutes Ses dimensions, jusqu’à l’engloutir… et l’homme entre en extase devant l’Autre, pris par l’Autre, par Celui que nous appelons Dieu, le Père de toutes choses.
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)