François Mauriac
Comme nous sentirons en nous, notre âme ardente
Au seuil de la maison de campagne, trop grande!
Nous n’entendrons, dans le grand silence des landes,
Que les lointains cahots d’une charrette lente…
Tout l’hiver, le parfum des grandes herbes reste
Dans la gaze des vieux filets à papillons
– Et le piano jamais accordé du salon
Nous redira le doux accablement de siestes.
Dans la salle à billard, les chapeaux de soleil
Évoqueront pour nous les vacances passées.
Des coqs se répondront – Et ce sera l’éveil
De nos cœurs, cette nuit lumineuse et glacée!
Je n’aurai plus besoin de vous – ô souvenirs!
Mon enfance s’éloignera – humble servante,
Celle qui fut fidèle et ne peut plus servir.
Je prendrai dans mes bras ta jeunesse vivante.
Mon enfance dira : je meurs… il est aimé…
Tu t’anéantiras dans mes bras refermés.
François Mauriac, L’adieu à l’adolescence (Stock, 1984)
image: Mauriac en son domaine (franceculture.fr)