Pauline Bebe
Que va-t-on chercher dans une contrée inconnue, à la conquête de soi, de l’autre, d’un pays ou d’une terre promise? On se lance dans un ailleurs plein de promesse: Et il n’est rien de plus beau que l’instant qui précède le voyage, l’instant où l’horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses, écrit Milan Kundera. Nous tendons la main vers de multiples terres promises qui parfois nous échappent, parfois se laissent apprivoiser et s’abandonnent dans nos bras soupirants. Et lorsque nous sommes au bord de cette terre comme les enfants d’Israël sur ce liseré de forêt qui laisse entre ses feuilles soupçonner la clairière, souvent la peur nous assaille, des papillons dans le ventre, parparim habeten, comme le dit si bien l’expression hébraïque.
Lorsque ce que nous désirons est sur le point de se réaliser, lorsque le rêve veut céder sa place à la réalité aussi séduisante et attendue soit-elle, un beau pays ou une belle personne, on peut avoir envie d’être encore ailleurs. On a peur que la réalité déçoive nos rêves, ou de ne pas être à la hauteur de ce qui est attendu de nous. Alors, comme un orteil qui teste timidement la température de l’eau avant de donner à tout le corps la permission de suivre, avant de me plonger corps et âme dans ce que j’ai longtemps désiré, je muse.
Ma muse m’attend, je le sais, je n’ai même pas peur de la perdre, elle m’est acquise, alors je goûte à l’instant, avant de goûter le moment, je laisse mon esprit divaguer sur les vagues de l’espoir, je caresse toutes les éventualités, imagine tous les possibles et pourtant tout me surprend. Un peu comme un chercheur qui fait et refait ses expériences mille et une fois pour enfin obtenir un autre résultat, je veux recommencer, je veux réessayer autrement, je veux donner à mon rêve la possibilité d’exister.
Rabbin Pauline Bebe, A la lumière de ton visage (coll. Souffle de l’Esprit/Actes Sud, 2014)
image: André Lemaire, Jérusalem (clio.fr)