Chemins de traverse – 759 / Elif Shafak

Elif Shafak

Il y a un arbre au paradis qui ne ressemble à aucun autre sur terre. Ses branches sont translucides, ses racines boivent du lait en guise d’eau et son tronc étincelle comme s’il était serti dans la glace, mais celui qui s’en approche découvre qu’il n’est pas froid, pas froid du tout. Chaque feuille de cet arbre est marquée du nom d’un être humain. Une fois l’an, au cours du mois de Shaba, dans la nuit qui sépare le treizième du quatorzième jour, tous les anges se rassemblent en cercle autour de lui. Ils battent des ailes à l’unisson. Ainsi ils font lever un vent puissant qui agite les branches. Peu à peu, les feuilles tombent. Parfois il faut beaucoup de temps à une feuille avant qu’elle ne se détache. Pour d’autres, la chute est aussi rapide qu’un clin d’oeil. Au moment où une feuille touche le sol, la personne dont elle porte le nom inscrit rend son dernier souffle. C’est pourquoi les sages et les érudits ne marchent jamais sur une feuille sèche, au cas où elle emporterait l’âme de quelqu’un quelque part.

Elif Shafak, L’architecte du sultan (coll. J’ai Lu/Flammarion, 2017)

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