Chemins de traverse – 94 / Jean Grosjean

Jean Grosjean

A quoi veilles-tu debout dans le brouillard
avec les noirs bataillons de sapin
sans distinguer la terre du ciel?

L’obscurité du jour est si pesante
que la nuit seule y porterait remède,
n’était le long regard indéchiffrable
dont tu contiens nos ennemis.

Laisse aux haies leur buée d’églantines
et l’ombre aux nues,
mais garde-moi tes doutes ou prends les miens.

Arrache-moi de ma vie et des morts
dans un blafard essor d’ailes plumeuses
et que je sois en proie à tes hauteurs.

J’entends crisser mon âme à ton approche
dont les pas sont pareils aux astres pâles
qui marchent sur la brume.

Délivré d’être libre,
j’épouse en toi la chère pauvreté
avec ses mains d’absente plus belle
que les diamants des Indes.

Puissé-je, le soir de l’agonie,
dormir sur un coteau tremblant
jusqu’au réveil dans cette rosée
dont m’aura enveloppé ton souffle.

Jean Grosjean, Elégie VIII, dans: La Gloire, précédé de: Apocalypse, Hiver et Elégies (coll. Poésies/Gallimard, 2008)

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications