Chemins de traverse – 808 / Geneviève de Simone-Cornet

Geneviève de Simone-Cornet

Les mots, comme la vie, ne reviennent pas en arrière. Ils se donnent dans l’instant. Ils ne retiennent rien. Pauvres et profonds à la fois. C’est pour ça que je n’ai jamais su faire comme si. Chacun d’eux, même les plus anodins, font oeuvre de mineurs en moi; ils vont puiser plus profond, souvent, que je l’imagine. Alors oui, ça fait mal. Mais ça murmure aussi, et le murmure devient chant, hymne à la vie. Plus forte que mes questions. Il n’y a qu’elle pour les balayer d’un rai de lumière, d’un sourire complice, d’une main tendue. Même si, l’instant d’après, l’ombre se réveille, le pas s’égare, le corps trébuche.

Mes joies les plus fortes ont toujours tenu dans un mot, un geste, un regard. Inattendus, inespérés. Ne rien attendre, mais tout espérer, me souffle Colette Nys-Mazure. L’attente ronge et déçoit. L’espérance est don qui fait de chaque instant la demeure des possibles, ouverte à tous les vents. C’est elle que je veux habiter, une maison de mots confiés au silence, puis chuchotés comme on ose la tendresse un matin d’hiver, la tête appuyée sur l’épaule d’un ami.

J’habite mieux le vent que les maisons. J’ai appris à habiter le souffle qui sortait de ma bouche, confie Jeanne Benameur, plus à l’aise dans une langue que partout ailleurs sur terre. Puissé-je habiter mes mots, ceux que je te donne, ceux que je lance à ceux qui prennent le risque d’y tisser les leurs. Comme le poète, offrir le moins pour dire le plus, élaguer pour ouvrir. Murmurer pour délivrer l’essentiel.

Geneviève de Simone-Cornet, Mais il y a la lumière – La grâce est de rencontrer (Salvator, 2018)

image: Ouchy, Lac Léman / Suisse (2013)

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications