Seigneur, apprends-nous à prier – 32

Pape François

Seigneur, apprends-nous à prier – XXXII

A présent, arrêtons-nous sur plusieurs mots avec lesquels Jésus, au cours de la Passion, a prié le Père. La première invocation a lieu après la Dernière Cène, quand le Seigneur, levant les yeux au ciel, dit: Père, l’heure est venue: glorifie ton Fils – et ensuite – glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde (Jn 17,1.5). Jésus demande la gloire, une requête qui semble paradoxale alors que la Passion est proche. De quelle gloire s’agit-il? Dans la Bible, la gloire indique la révélation de Dieu, c’est le signe distinctif de Sa présence salvatrice parmi les hommes. Or, Jésus est Celui qui manifeste de manière définitive la présence et le salut de Dieu. Et Il le fait dans la Pâque: élevé sur la croix, il est glorifié. C’est là que Dieu révèle finalement sa gloire: il ôte le dernier voile et nous étonne comme jamais auparavant. Nous découvrons en effet que la gloire de Dieu est entièrement amour: amour pur, fou et impensable, au-delà de toute limite et mesure.

Faisons nôtre la prière de Jésus: demandons au Père d’ôter les voiles devant nos yeux pour qu’au cours de ces journées, en regardant le Crucifié, nous puissions accueillir le fait que Dieu est amour. Combien de fois L’imaginons-nous comme un maître et non comme un Père, combien de fois pensons-nous qu’il est un juge sévère plutôt que le Sauveur miséricordieux! Mais à Pâques, Dieu élimine les distances, en se montrant dans l’humilité d’un amour qui demande notre amour. Nous lui rendons donc gloire quand nous vivons tout ce que nous faisons avec amour, quand nous faisons chaque chose avec coeur, comme pour Lui. La vraie gloire est la gloire de l’amour, parce que c’est la seule qui donne la vie au monde. Assurément, cette gloire est le contraire de la gloire mondaine, qui arrive quand on est admiré, qu’on est loué, acclamé; quand le moi est au centre de l’attention. La gloire de Dieu, en revanche, est paradoxale: pas d’applaudissements, pas d’audience. Au centre, il n’y pas le moi, mais l’autre: à Pâques, nous voyons en effet que le Père glorifie le Fils, alors que le Fils glorifie le Père. Personne ne se glorifie lui-même. Nous pouvons aujourd’hui nous demander: Quelle est la gloire pour laquelle je vis? La mienne ou celle de Dieu? Est-ce que je désire seulement recevoir des autres ou également donner aux autres?

Après la Dernière Cène, Jésus entre dans le jardin de Gethsémani; et là aussi il prie le Père. Jésus commence à ressentir peur et angoisse. Il éprouve toute l’angoisse de ce qui l’attend: trahison, mépris, souffrance, échec. Dans l’épreuve, Jésus nous enseigne à embrasser le Père, parce que dans la prière qui Lui est adressée se trouve la force d’aller de l’avant dans la douleur. Dans la difficulté, la prière est soulagement, don de soi, réconfort. Dans l’abandon de tous, dans la désolation intérieure, Jésus n’est pas seul, il est avec le Père. En revanche, dans nos Gethsémani nous choisissons souvent de rester seuls, au lieu de dire Père et de nous remettre à Lui, comme Jésus, de nous remettre à Sa volonté, qui est notre vrai bien. Mais quand dans l’épreuve nous restons fermés sur nous-mêmes, nous creusons un tunnel en nous, un douloureux parcours d’introversion, qui a une unique direction: toujours plus profondément en nous-mêmes. Le plus grand problème n’est pas la douleur, mais comment on l’affronte. La solitude n’offre pas d’issue; la prière oui, parce qu’elle est relation, elle est remise de soi. Jésus remet tout et se remet entièrement au Père, en lui apportant ce qu’il ressent, en se reposant sur Lui dans la lutte.

Enfin, Jésus adresse une troisième prière au Père, pour nous: Père, pardonne-leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font (Lc 23,34). Jésus prie pour celui qui a été mauvais avec Lui, pour Ses bourreaux. L’Evangile spécifie que cette prière a lieu au moment de la crucifixion. C’était probablement le moment de la douleur la plus forte, quand on enfonçait les clous dans les poignets et dans les pieds de Jésus. Là, au comble de la douleur, Il parvient au sommet de l’amour: le pardon arrive, c’est-à-dire le don à la énième puissance, qui brise le cercle du mal. 

En récitant le Notre Père au cours de ces journées, nous pouvons demander l’une de ces grâces: vivre nos journées pour la gloire de Dieu, c’est-à-dire vivre avec amour; savoir nous remettre au Père dans les épreuves et trouver dans la rencontre avec le Lui le pardon et le courage de pardonner. Les deux choses vont de pair. Le Père nous pardonne, mais il nous donne le courage de pouvoir pardonner.

Pape François, Catéchèse sur le Notre Père / extraits (w2.vatican.va)

image: Eglise Sainte Thérèse, Genève / Suisse (2014)

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