Jean-François Noel
Eloge de la sainteté ordinaire – XXVII
Il ne s’agit pas d’attendre que la vie m’apporte quelque chose. C’est à moi et à personne d’autre de m’interroger sur ce que je peux lui donner. Ce renversement de perspective si simple à exprimer cache une redoutable fécondité. Encore faut-il trouver, dans notre vie et ce qu’elle comporte de capacités, le registre dans lequel je puis exercer ma créativité et deviner ce que pourrait être ma sainteté.
Le christianisme est universel, en ce sens qu’il rejoint une attente cachée en tout homme, quels que soient sa place dans le monde, sa couleur et ses cultures. Et Dieu appelle largement. Non pas qu’Il se moque des frontières et des différences, Dieu est plus que polyglotte. Il connaît le langage intime de chaque homme.
Il nous faut nous préparer à voir passer devant nous toute une foule de saints qui se situent hors de l’Eglise, et dont le mérite a été d’autant plus grand qu’ils l’ont vécu sans connaître et le Père et le Fils. De même, il ne faut pas éliminer d’emblée l’idée de rencontrer à ce grand portail ceux qui, par leur intelligence ou leur talent artistique, ont fréquenté d’aussi près la source, souvent sans le savoir. Dieu ne s’embarrasse pas de protocoles d’appartenance. Il reconnaît les siens, et même ceux qui L’ont vénéré sans le savoir. Et ce sera pour Lui du pain béni que de leur dévoiler Son nom dernier derrière ce qu’ils ont cherché et honoré. Plus difficile pour ceux qui ont déjà leur petite idée sur Dieu: ce doit être ce qui se cache derrière l’histoire du chameau qui ne peut passer dans le chas de l’aiguille…
Nous ne pouvons prétexter l’institution de l’Eglise pour dissimuler nos propres démissions. J’en connais certains qui se sont englués dans des conflits de ce type pour justifier leur passivité. L’Eglise reconnaît les siens. Encore faut-il qu’ils se soient mis en route, et qu’ils se soient prêtés à mettre à nu ce qui les habitait, à se poser la question qu’ils se devaient de formuler et à laquelle ils ne pouvaient répondre eux-mêmes. Suffit-il ensuite d’attendre que Dieu croise leur chemin?
Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)
image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)
