L’écharde dans la chair – 14

Jean-François Noel

Eloge de la sainteté ordinaire – XIV

Dieu voit à l’avance. Et comme nous peinons à y croire, il nous rassemble régulièrement pour nous faire voir à quoi ressemblera notre fraternité à venir. Nos célébrations devraient dessiner l’esquisse provisoire et toujours à refaire de ce que nous deviendrons. Debout, assis, puis de nouveau debout, nous mimons un départ dont la procession de communion n’est qu’une répétition parmi d’autres. Comme au rythme d’une chorégraphie maladroite, nous inscrivons notre corps dans le grand mouvement de retour vers notre patrie.

N’est-il pas surprenant qu’il nous faille de vrais frères juste à côté de nous – pas de ceux que nous aurions choisis – pour que nous soyons le plus présents à nous-mêmes? Et la présence objective des autres stimule notre sortie de nous-mêmes, nous intime à aller jusqu’au bout de nous-mêmes, là même où Dieu nous attend pour la rencontre du jour ou de la semaine. Dans les bas-côtés et les chapelles à demi éclairées se tiennent dans leurs statues ou sur les vitraux les guetteurs attentifs.

Ne nous trompons pas sur leur immobilité, c’est la pudeur dont ils aiment à recouvrir leur attention et leur souci à notre égard. Leur histoire, toujours vivante, égrène une réponse qu’ils ont faite en leur temps à Dieu et qui inspirera le nôtre. Car il ne s’agit pas tant de nous y identifier que d’imiter leur ardeur, leur audace et leur foi pour, à notre tour, inventer notre réponse.

Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)

image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)

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