Chemins de traverse – 206 / Yannis Ritsos

Yannis Ritsos

Comment
cette grande église s’est-elle retrouvée
au milieu de la plaine déserte
solitaire,
entourée de quelques palmiers
et de sept eucalyptus,
l’horloge de son clocher arrêtée
à trois heures d’un après-midi
noyé parmi les cigales?
Sa porte toujours ouverte.

Je n’ai jamais vu quelqu’un
y entrer ou en sortir,
pour allumer un cierge aux candélabres.
A peine distingue-t-on
dans l’obscurité voûtée
les figures de saints désespérés
aux auréoles presque effacées.

Parfois, le soir, dans la nef vide,
bruisse une ancienne musique gazouillante
que la lune écoute avec dévotion.

Peut-être parce que
sur le front de la Vierge
deux hirondelles ont bâti leur nid,
et que de là-dedans,
cinq bébés hirondelles
tendent avidement leurs becs.

Yannis Ritsos, L’église désaffectée, dans: Tard bien tard dans la nuit (Le Temps des Cerises, 2014)

image: http://du-tout-et-du-rien.blogspot.ch

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