La spiritualité du Carmel – 2

Quelques traits caractéristiques de la spiritualité du Carmel – II 

Comment préciser les traits de cette aventure menée au Carmel? La réponse ne peut être esquissée qu’en regardant les grands témoins de cette famille spirituelle. Par delà les différences de leur itinéraire, de leur tempérament et de leur engagement dans l’histoire de l’humanité, ils témoignent d’une manière propre de se situer par rapport au Christ, à l’Eglise et au monde. On peut y reconnaître trois caractéristiques.

1. Première caractéristique

La première caractéristique est faite de l’union de deux traits qui apparaissent en gros plan chez le prophète Elie, le premier à symboliser la vocation du Carmel.

Il est vivant le Dieu devant qui je me tiens. (1 R 17,1) Tels sont les premiers mots d’Elie dans la Bible. Ils sont d’abord une proclamation de foi: Dieu est vivant, le Vivant par excellence et il n’y a de vie qu’en relation avec Lui. Ils expriment aussi l’essentiel de ce que recherche le prophète: vivre avec Dieu, en se tenant en sa présence, dans une disponibilité permanente à Le servir. La spiritualité du Carmel est celle d’une vie en présence et au service de Dieu, dans la foi et l’amour.

Cette relation à Dieu n’est pas seulement une relation avec quelqu’un auquel on pense, auquel on se réfère et pour lequel on agit. Elle aspire de plus en plus à devenir une vie avec Dieu, une union vitale et intime avec Lui, reconnu à la fois comme l’unique Seigneur et le véritable Ami. C’est Lui, Dieu Lui-même, qui est de plus en plus cherché en premier: Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi… Ton amour vaut mieux que la vie… Dans la nuit, je me souviens de toi… Mon âme s’attache à toi… (Ps 62)

Les saints du Carmel témoignent du goût de Dieu… Ce désir de Dieu s’authentifie dans des actes: la personne choisit de prendre du temps, au détriment d’autres occupations, afin de vivre, dans le concret, de manière gratuite, cette union avec Dieu dans la foi. Car tout amour est préférence; il privilégie certaines valeurs et trouve sa vérité en agissant en conséquence. L’esprit du Carmel se traduit dans ces temps de présence silencieuse auprès du Seigneur. On les appelle oraison.

Ce comportement est le premier service à rendre à Dieu, car il proclame par lui-même, sans paroles, que le Seigneur est bien le Dieu vivant et vrai et la seule source de la Vie. Ainsi est-il juste de perdre du temps auprès de Lui, par amour de Lui, dans la prière. Cette perte de temps n’en est pas moins une coopération à l’œuvre de Dieu en ce monde, car elle est accueil secret de Son Esprit.

Toute action extérieure accomplie pour servir Dieu se situe dans le prolongement de ce service initial qui est engagement de foi et d’amour. Aux yeux du Carmel, ce prolongement du service par l’action est symbolisé par un autre mot d’ordre du prophète Elie, prononcé lors de sa rencontre avec le Seigneur, au Mont Horeb: Je suis dévoré d’ardeur pour le Seigneur. (1 R 19, 10) Elie est toujours prêt à s’engager dans une mission reçue du Seigneur, que ce soit pour défendre les droits des petits, comme il le fit pour la vigne de Nabot, ou pour témoigner du Dieu vivant et vrai, serait-ce au péril de sa vie. Le prophète symbolise une intense présence à Dieu et aux hommes, inséparablement. Car la présence au Dieu, Père, Créateur et Seigneur de l’univers, est inséparable d’une présence à tous les hommes, ses créatures bien-aimées.

Telle est la première caractéristique de la spiritualité du Carmel. Elle intègre, dans une unité concrète, deux dimensions apparemment antinomiques: une vie de recherche d’union intime avec le Seigneur de la vie et une vie d’engagement concret pour les affaires de ce même Seigneur, sous une forme ou sous une autre. Cette double dimension se retrouve, concrétisée différemment, chez sainte Thérèse d’Avila, la re-fondatrice du Carmel, au XVIe siècle. La sainte appelle à prendre l’habitude de vivre avec le Seigneur comme avec un ami. Croyez-moi, autant que vous le pourrez, ne vous écartez jamais d’un si bon ami. Si vous prenez l’habitude de L’attirer auprès de vous, s’il voit que vous L’appelez avec amour (…), vous n’arriverez pas, comme on dit, à vous en débarrasser, jamais Il ne vous manquera, Il vous aidera dans tout votre travail, Il sera partout avec vous. Pensez-vous que ce soit peu de chose qu’un tel ami à nos cotés? (Le chemin de perfection)

La même Thérèse est aussi la femme qui passe les quinze dernières années de sa vie à fonder des communautés de sœurs, intervenant auprès du roi, des princes, des évêques et des responsables de la vie civile, afin d’accomplir l’œuvre reçue du Seigneur, ces fondations qui sont réalisées le plus souvent dans des conditions impossibles

Tel est le paradoxe d’une vie d’intimité contemplative avec le Seigneur et d’une vie qui coopère activement au bien de l’Eglise et de l’humanité, serait-ce par le don quotidien de la prière et du renoncement par amour de Dieu et des hommes. C’est ce qu’a accompli, dans l’incognito, une sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Celle que l’on appelle la petite Thérèse n’est jamais sortie de son Carmel. Si elle a été nommée patronne des missions, aux cotés de saint François Xavier, l’évangélisateur de Goa et du Japon, mort aux portes de la Chine, c’est qu’elle a réellement coopéré à l’annonce de l’Évangile, différemment, mais autant que le grand missionnaire.

Carmel de France, Quelques traits caractéristiques de la spiritualité du Carmel / extraits (carmel.asso.fr)

image: Santa Teresa d’Avila, Giardino del Convento delle suore Carmelitane di Nuoro / Italia (diocesidinuoro.it)

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