Vous verrez le ciel ouvert – 44

Vous verrez le Ciel ouvert – XXXXIV

Les entretiens de Charles Journet

La compassion, dit saint François de Sales, a d’autant plus de valeur, que l’amour qui la crée et la développe est plus intense. Elle est alors telle, que celui qui compatit souffre réellement ce que souffre l’autre. Une âme à qui est donnée cette grâce de vivre de la pensée de la Passion, découvre dans cette contemplation, par la compassion, les souffrances inouïes du Sauveur. Et quand on parlera de l’Agonie de Jésus, ce ne sera plus pour cette âme un mot dévalué comme ceux de notre usage courant: il prendra tout à coup une signification éblouissante, bouleversante. C’est du reste un peu ce qui se produit dans l’ordre naturel, dans le bien ou dans le mal: la haine, ou la jalousie si vous voulez, on croit savoir ce que c’est; mais si tout à coup cela vous tombe dessus, c’est alors qu’on apprend vraiment quelles sont ses profondeurs infernales. Inversement, une grâce peut tomber sur un mot qu’elle transfigure, la paix par exemple, qui découvre alors ses profondeurs divines.

Vous voyez ce que signifiera la compassion de la Vierge. Tous les coups que recevra son Fils seront comme répercutés en elle, avec, pourrait-on dire, un accroissement d’intensité par rapport à ce que ces coups lui causeraient de souffrance si c’étai elle qui les recevait. Elle aimerait tellement mieux les recevoir elle-même!

Considérez comment l’amour tire à soi toutes les peines, les travaux, les tourments, les souffrances, les douleurs, les blessures, la passion, la croix et la mort de notre Rédempteur dans le coeur de Sa mère. Les mêmes clous qui crucifièrent le corps de son divin Enfant crucifièrent aussi le coeur de la Mère, les mêmes épines qui percèrent sa tête percèrent l’âme de cette Mère si douce. Elle eut les mêmes misères que son Fils, par commisération, les mêmes douleurs par condoléance. (Saint François de Sales)

Vous réalisez un peu ce que peut donner comme abîme la compassion de la Vierge, et comment son amour peut nous introduire dans le mystère de Jésus. Je peux bien essayer de regarder moi-même le mystère de Noël, ou celui de la Passion et de l’Agonie, mais quand j’aurai été jusqu’au fond de ce que je peux regarder, je me tournerai vers la Vierge, et je verrai qu’elle contemplait ces choses incomparablement plus intensément que moi. Et je lui dirai: Donnez-moi de voir cela avec vos yeux et votre coeur, et non avec mes pauvres yeux et mon pauvre coeur à moi. Si elle le fait, j’entrerai plus profondément dans le mystère de l’Incarnation ou de la Passion de Jésus.

Charles Journet, Entretiens sur la charité / extraits (Parole et Silence, 1999)

image: Chartreuse de la Valsainte, Charmey / Suisse (acustica-godel.ch)

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