Jésus-Christ ou rien – V
Bernard Bro
Si l’on considère comment chaque matin les gens vont docilement à leur travail, comment après deux guerres mondiales, on a, dans l’espace d’une génération, reconstruit, comme allant de soi, tout ce qui était détruit, comment on se dépense pour travaux et oeuvres grandioses en sachant que ce qui viendra à la fin, c’est la mort et la destruction, on peut alors se demander ce qui nous pousse à agir ainsi, et si ce comportement ne traduit pas une espérance dont nous n’avons pas nous-mêmes toujours conscience.
Notre conclusion est alors celle-ci: notre devoir n’est-il pas ici, chrétiens, de rendre consciente cette espérance en lui découvrant Dieu comme son fondement, Sa force et Son chemin? Camus a crié que si l’homme savait que l’univers lui-même peut aimer et souffrir, il serait réconcilié. Mais c’est cela que la foi chrétienne confesse comme une réalité, aujourd’hui plus que jamais. Oui, ce que Jésus de Nazareth a fait et ce qui Lui est arrivé nous permettent de découvrir comment Dieu Lui-même est venu prêter témoignage et justifier notre espérance. L’Incarnation du Christ est la justification de Dieu devant les hommes en présence de l’absurdité du monde, contre toute espérance. Et désormais, nous pouvons, en espérant, savoir à quoi nous en tenir sur le sens de la vie et du monde. Non pas comme sur des faits et des choses, non pas en programmant, intégrant l’avenir dans notre seule raison. Elle ne nous donnerait pas la sécurité dont nous avons besoin. Mais par la confiance qui est née de l’amour et de la solidarité du Christ avec chacun de nous.
Oui, c’est Jésus de Nazareth qui éclaire pour nous le sens du monde, non pas en nous instruisant sur le monde, mais en nous donnant confiance dans le fondement et le but du monde. Sisyphe n’est pas au bout de ses peines. Il doit continuer de rouler sa pierre: qu’il dise seulement le mot Père à Dieu, ou que seulement il soupire d’espérance du fond du coeur, alors il aura cessé d’être Sisyphe.
Bernard Bro, Contre toute espérance / extraits (Cerf, 1975)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)
