Jésus-Christ ou rien – VII
Bernard Bro
Accepter l’inconfort de la Promesse, refuser les limites de nos bilans pour entrer dans un projet qui nous dépasse, vous me direz: nous voulons bien de ce combat s’il est celui de l’espérance évangélique, mais alors, que l’Eglise nous y aide au lieu de nous donner des raisons de la quitter. Mais laissez-moi vous dire deux choses. Est-ce bien le moment? En ce temps où justement les charismes de liberté équilibrent de plus en plus les charismes d’autorité, en ce temps où une authentique ouverture se fait jour de plus en plus. Vous me direz que je défends l’ordre établi. Je vous répondrai alors: méprisez l’institution, quittez-la, vous avez des raisons, mais demandez-vous alors si en acceptant ces raisons vous ne désertez pas le combat de l’espérance et le vrai lieu de ce combat.
Je sais le danger d’enfermer l’espoir dans la bureaucratie et comment la bureaucratie est toujours la dernière réalité à disparaître. Je sais la différence entre les silences de Jésus, faits pour adorer et accepter les conflits et la Croix, et les silences des chrétiens faits pour refuser la Croix, éviter les conflits et pactiser avec les oppresseurs.
Je sais. On peut multiplier les raisons de se déconnecter de l’Eglise. Elles sont terriblement réelles. Mais au moment de partir, je me poserais plusieurs questions. Si, sous prétexte de sauvegarder mon espérance, je quittais une institution, je me demanderais si je n’en crée pas au moment même une autre qui sera elle aussi soumise au triomphe de l’ivraie et au même combat. Et surtout, si à cause du personnel de l’Eglise et non de sa personne, je suis tenté de m’éloigner, et si l’Eglise elle-même m’apparaît comme source d’angoisse, et s’il faut alors choisir entre l’angoisse, rien, mais rien, ne pourra jamais faire qu’en face de l’Eglise et de la communion de mes frères, le dernier mot doive être au désespoir. Et s’il faut choisir entre l’angoisse et l’espérance, je choisis l’espérance.
Bernard Bro, Contre toute espérance / extraits (Cerf, 1975)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)