Marie de Hennezel
Nous l’oublions toujours, nous sommes du temps. Mieux encore, nous sommes le temps. C’est ce qui fait du temps un mystère, comme la vie, comme la mort que nous sommes également. Le temps dépend de nous, et pas simplement nous du temps. C’est ce qu’à bien compris saint Augustin. Nous sommes si proches du temps qu’il est difficile de le définir. Il faudrait pouvoir se définir pour définir le temps. Ce qui n’est pas possible. Ce qui nous caractérise est subjectif, intime, mystérieux. Ce n’est pas objectif comme une carte d’identité.
Le temps est, en ce sens, le temps de la conscience, le temps du moi, le temps de l’intime, la durée chaleureuse des choses et des êtres qui s’étend et se détend. Il est une légèreté et une liberté. Il est le temps dont je me souviens, le temps que j’imagine, le temps que je vis, ici, maintenant. Il n’est pas, de ce fait, simplement une absence, un vide, un fossé, un abîme. C’est aussi une présence, une épaisseur, un pont. Il existe parce qu’on le fait exister. On le fait exister par notre présence au passé, à l’avenir, au présent. C’est cela le miracle du temps. Il est notre capacité de rendre tout présent. Il est notre propre présence. Et avec notre propre présence, il est notre capacité de pouvoir construire le temps et la vie.
Marie de Hennezel et Bertrand Vergely, Une vie pour se mettre au monde (coll. Livre de Poche/LGF, 2011)
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