Jésus-Christ ou rien – XXVI
Bernard Bro
Si en face du mal et du péché, la foi seule nous sauve, ce n’est pas qu’elle nous dispense des oeuvres et d’être bon, Au contraire. Mais c’est qu’elle ne peut naître que du contact avec la blessure de Dieu, parce qu’elle ne peut se nourrir en nous que du partage d’une bonté plus profonde que la nôtre et de la seule force qui puisse tenir jusqu’au bout devant l’horreur du mal; la foi n’a de vie en nous que liée à la bonté la plus fondamentale qui puisse jaillir d’un coeur humain, celle qui consiste à pressentir et à vivre de la même blessure, de la même tendresse que Dieu, parce qu’on est déjà pris, baigné, investi, baptisé de sa force infinie.
La miséricorde de Dieu est manifeste dans le malheur comme dans la joie, au même titre, plus encore peut-être, parce que sous cette forme elle n’a aucun analogue humain. Si on tombe en persévérant dans l’amour jusqu’au point où l’âme ne peut plus retenir le cri – mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné? – et si on demeure en ce point sans cesser d’aimer, on finit par toucher quelque chose qui n’est plus le malheur, qui n’est pas la joie, qui est l’essence centrale, essentielle, pure, non sensible, commune à la joie et à la souffrance, et qui est l’amour même de Dieu. On sait alors que la joie est la douleur du contact avec l’amour de Dieu, que le malheur est la blessure de ce même contact quand il est douloureux, et que le contact lui-même importe seul, non pas la modalité. (Simone Weil)
Bernard Bro, Le pouvoir du mal / extraits (Cerf, 1976)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)