Se réjouir avec Saint Bernard – 2

Se réjouir avec Saint Bernard – II 

Nous voyons des pauvres qui ne seraient point si tristes, si c’étaient de véritables pauvres, puisqu’un royaume, le royaume des Cieux, serait déjà leur partage. Ce sont des pauvres qui veulent bien de la pauvreté, mais à condition qu’ils ne manqueront de rien et qui n’aiment la pauvreté que si elle va sans privation aucune. Il y en a aussi qui sont doux, mais pourvu qu’on ne dise et qu’on ne fasse rien de contraire à leur volonté. Aussi, à la moindre occasion, est-il bien facile de voir combien ils sont loin de la vraie mansuétude. Or comment une telle douceur pourra-t-elle avoir part à l’héritage, puisqu’elle meurt avant même que l’héritage soit ouvert?

On en voit aussi qui ont le don des larmes; mais, si elles débordaient vraiment du coeur, elles ne feraient pas si aisément place au rire. Je ne puis croire que c’est de ces pleurs qu’il est dit que Dieu même les séchera puisqu’ils sont si facilement essuyés par de faibles consolations. Il y en a qui font éclater un zèle si ardent contre les défauts des autres, qu’on pourrait croire que véritablement ils ont faim et soif de la justice, mais ils sont loin de considérer leurs propres fautes du même oeil. Aussi les voit-on s’enflammer avec non moins d’impudence que d’inutilité contre les autres et se flatter eux-mêmes avec autant d’inutilité que de folie.

Il y en a aussi qui exercent la charité mais avec les biens qui ne leur appartiennent pas; qui se scandalisent, si on ne donne pas largement à tout le monde, à condition pourtant, qu’ils n’en souffrent en rien eux-mêmes. S’ils étaient vraiment charitables, c’est de leur propre bien qu’ils feraient la charité; et s’ils ne pouvaient donner des biens de la terre, ils donneraient au moins de bon coeur leur pardon à ceux qui ont pu les offenser; enfin, ils auraient de la compassion et une prière pour tous ceux qu’ils verraient tomber dans le péché, autrement leur miséricorde est nulle et il ne leur sera point fait miséricorde.

De même, on en voit qui font l’aveu de leurs fautes de manière à faire croire qu’ils n’agissent qu’avec le désir de purifier leur coeur, car la confession efface tous les péchés; malheureusement, ils ne peuvent écouter avec patience chez les autres l’aveu des mêmes fautes dont ils s’accusent spontanément eux-mêmes. J’en vois aussi qui n’ont de cesse qu’ils n’aient rendu la paix du coeur à ceux que le moindre scandale a pu troubler; on pourrait les prendre pour des hommes vraiment pacifiques, mais si c’est par hasard contre eux que paraît dirigée telle parole ou telle action, leur émotion est bien plus longue et plus difficile à calmer que celle des autres. Or, s’ils aimaient véritablement la paix, il est hors de doute qu’ils l’aimeraient aussi pour eux-mêmes.

Bernard de Clairvaux, Quatrième sermon de l’Avent / extrait (abbaye-saint-benoit.ch)

image: duec-savoiedauphine.over-blog.com

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