Morceaux choisis – 976 / Marie Cénec

Marie Cénec

Une parole libre naît dans le silence. Non pas le silence qui serait l’envers de la parole, le carcan de la peur, le signe de l’incapacité à assumer sa singularité, le refuge de la lâcheté, la marque du refus de la prise de risque. Pas ce silence de mort mais le silence fécond, lieu où couver les mots, lieu où se compose patiemment une musique intérieure, lieu où calme et sérénité dansent au rythme des battements d’un coeur enfin apaisé. J’aime me réfugier dans ce silence qui renouvelle mes forces. Je m’y déploie et me détends dans une sensation de confiance totale. Je sais combien cette expérience est éphémère, je sais qu’elle ne me protègera pas du risque de souffrir encore. Cependant, le goût de cette sérénité intérieure persiste et se rappelle à moi en tout temps.

Dans cette paix, dans ce consentement à être simplement qui je suis, à ce qui advient sans résignation mais avec courage, je me déshabille de mes prétentions. Au creuset de l’essentiel, je brûle de la joie d’exister. Joie de simplement marcher dans la rue, de sentir l’air sur mon visage, de contempler les feuilles d’un arbre, la beauté de la lumière,  ou de jouir de la fraîcheur de la pluie. Je me demande si cette joie n’est pas le fruit que l’on peut cueillir après les combats et les renoncements, quand plus rien ne l’entrave. Une joie qui est fruit de la liberté conquise sur soi-même, teintée d’une certaine gravité car lestée du mystère du vivant.

Marie Cénec, L’insolence de la parole (coll. J’y crois/Bayard, 2020)

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