Jésus-Christ ou rien – XXXI
Bernard Bro
Si on me demandait une définition de l’Eglise catholique, c’est ici que je la trouverais: l’Eglise, ce sont des sages, encore trop sages peut-être, mais qui suivent des fous; ce sont des institutionnels, peut-être, mais au service des saints. Oui, des sages, mais qui découvrent que les fous du Christ possèdent la seule joie véritable, celle de la vérité, celle des apôtres qui ne pouvaient s’empêcher de parler du Christ et qui, après avoir été pour cela battus et flagellés, sortaient du tribunal et repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus (Ac 5, 41).
On a posé récemment cette question: Le christianisme va-t-il mourir? Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura pas de triomphe du christianisme. Il y aura un triomphe du Christ, et ce n’est pas du tout la même chose. Le Christ triomphant comme un mendiant, par la croix, par la Résurrection et par Sa présence vivante dans le coeur des saints. Ce n’est pas un triomphe du christianisme, c’est un triomphe du Christ à travers la défaite du christianisme. Et c’est pourquoi les saints ne peuvent pas nous satisfaire quand nous leur demandons un christianisme qui ne serait pas inquiétant ou lorsque nous voudrions fonder notre liberté, notre communion, notre progrès, notre fraternité autrement que sur cette présence proprement transcendante qu’est la présence vivante du Christ. La transcendance que les saints nous proposent n’est pas la transcendance d’une idée, mais d’une présence. L’une et l’autre sont incompatibles, de la même manière que les projets de messianisme les plus exaltants du judaïsme ont été incompatibles avec la réalité du Christ telle qu’elle s’est présentée à Ses contemporains. C’est le même mystère. C’est du même ordre.
Les aspirations les plus fantastiques du genre humain ne peuvent pas contenir Jésus-Christ ni rendre compte de ce défilé de fous. La force de cette transcendance fait éclater tous nos souhaits, tous nos rêves, même les meilleurs, car nos réalisations finies sont incompatibles avec l’infini de la présence du Christ. Cette réalité fait éclater toutes les outres de nos idées et de nos projets. Non pas au sens où ils ne seraient pas de bonne qualité, mais simplement parce qu’ils sont trop étroits pour contenir cette présence et cette folie-là. La présence du Christ peut contenir la sagesse humaine, mais jamais la sagesse d’ici-bas ne pourra contenir la folie de Dieu.
Bernard Bro, Jésus-Christ ou rien / extraits (Cerf, 1977)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)