Jésus-Christ ou rien – XXXXVII
Bernard Bro
La fin du christianisme? La réponse formidable est dans l’immense prière de tous ceux qui, sans pouvoir l’exprimer, savent bien qu’il y a un amour que nous avons perdu, et que nous avons besoin de le demander pour le retrouver, et qu’il n’y a pas à avoir peur d’appeler au secours, à ce niveau où l’on a faim, où l’on a soif, où l’on a mal, où l’on est sur la croix, où l’on souffre et où l’on meurt.
Ici, je me solidarise avec toute l’immense prière cachée des pauvres, des humiliés et du peuple qui est de Dieu même sans le savoir. Qu’un ange vienne nous démontrer qu’appeler ainsi au secours n’est que l’exagération due à la projection religieuse d’une attitude psychologique qui serait le fait de toutes les dépressions psychiques, alors je répondrais: Que nous importe! Depuis que le Christ a dit le Notre Père, nous sommes sûrs qu’on ne peut pas se tromper en le reprenant à son compte. Le pain, le pardon et la tentation, ça ne se joue pas seulement dans un univers de dépressifs ou d’esthètes.
Toute la nouveauté chrétienne est là. L’homme chrétien ne se laissera jamais définir seulement par une psychologie humaine, même parfaitement harmonieuse et aseptisée. Car l’irruption du Verbe incarné a introduit dans le monde une psychologie entièrement neuve. C’est la psychologie non seulement de la grâce, mais celle de la Gloire. Elle repose sur une invitation à participer dans tout notre être à une vie qui nous dépasse: celle du Dieu vivant. Cela ne peut s’admettre qu’à travers un déchirement absolument neuf, lui aussi, dans l’histoire de la psychologie humaine.
C’est le déchirement d’une détresse, la détresse de l’homme qui accepte de perdre son propre point d’appui pour se jeter vers un point d’appui nouveau ne ressemblant à rien d’autre: vers le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais on ne traverse cette détresse qu’en appelant au secours.
Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)