Jésus-Christ ou rien – 48

Jésus-Christ ou rien – XXXXVIII

Bernard Bro

Je dois, ici, vous faire l’aveu le plus profond peut-être que j’aurais jamais fait. J’ai besoin, quand je rentre chez moi le soir, j’ai besoin quand j’apprends telle épreuve qui met un de mes frères ou moi-même en péril, j’ai besoin de penser que le Christ est là. Et là, cela veut dire dans ce monde tangible, empirique. Oui, j’avoue que j’ai besoin d’être réconforté par le Christ dans ma peur et pas seulement dans ma soif intellectuelle de Dieu, dans ma peur pour ceux que j’aime. J’ai besoin d’un Dieu qui accepte et qui s’abaisse à me réconforter là où je ne me sens plus du tout de force, ni d’amour, ni de vaillance, là où je ne sens plus que de la peur en moi.

Et si, de ce Dieu-là, on me dit que je n’ai pas à Le supplier avec ma peur et ma misère, eh bien je dis que ce n’est plus le Dieu chrétien, ce n’est plus Celui qui s’est révélé depuis Abraham comme le Miséricordieux. Et si l’on me dit que tout va bien, et que, puisque c’est Dieu, il n’y a rien à craindre pour le salut, je dis qu’alors ce ne serait plus le Dieu chrétien, qui m’a créé à Son image, source de liberté et donc d’amour et de mendicité.

Et si le fait que le Christ ressuscité m’interdisait de Le retrouver, Lui, le Jésus de l’histoire tel qu’Il fut crucifié, si, par impossible, mon Eglise m’interdisait de Le retrouver ainsi, alors je dirais à mon Eglise que demain, je la quitte; puisqu’elle en appelle à ma liberté, oui, je prendrais cette liberté de la quitter, au nom du Dieu vivant. Oui, je l’avoue, c’est du Christ et de Sa présence dans ce monde, si obscur que soit le mystère de cette présence, que j’ai besoin, moi le premier. Si je crois en l’Eglise catholique romaine, c’est parce qu’elle me propose ce Dieu-là.

Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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