Jésus-Christ ou rien – 58

Jésus-Christ ou rien – LVIII

Bernard Bro

Ce n’est pas sans raison que le Curé d’Ars a été proclamé modèle et patron des prêtres du monde entier. Au cours de toute l’histoire de l’Eglise, il a peut-être été le plus loin dans la compréhension et la fascination du mystère de l’Eucharistie. Mgr Daniel Pézeril a fort bien évoqué l’énigme de ce pauvre curé de campagne: homme frêle, voué à un ministère écrasant durant presque quarante ans; une à trois heures de sommeil par jour, vingt heures de travail quotidien dont quinze de confessionnal; des épreuves de toutes sortes. Mais où donc était la joie du Curé d’Ars? Cela tient en un mot. On peut suspecter tout ce que l’on voudra dans sa vie et sa personnalité, on n’arrachera plus jamais de la conscience catholique ce qu’il a dit: Si l’on comprenait bien le prêtre sur la terre, on mourrait: non de frayeur mais d’amour. Et encore: On ne comprendra le bonheur qu’il y a de dire la messe que dans le ciel!

C’est une immense fresque qui gravite autour de la réalité eschatologique du Banquet, et l’Eucharistie en est le centre. Tous les saints, tous les docteurs de l’Eglise, ici, n’ont pu s’empêcher de chanter. La vérité les a transportés. Le discours est devenu hymne parce que le monde lui-même est transfiguré, parce que, enfin, on peut demander aux choses et aux temps plus qu’ils ne sont.

Le mystère de Dieu est pour nous inauguré sur la terre. En mangeant la victime, nous mangeons le feu même qui a dévoré la victime, et à notre tour nous devenons capables d’être offerts. C’est le même feu, celui de la charité divine qui, après avoir consumé le Christ nous est proposé. C’est le feu de cette Miséricorde infinie qui se met au rythme lent de notre durée et qui nous propose à notre tour d’entrer dans la même initiation, dans la même glorification progressive qui a consumé le Christ.

Entendons-le, ce grand appel qui retentit à chaque Vigile pascale et qui invite tous les pauvres de l’humanité à la table du Banquet: O Crucifié, meneur de la danse mystique! O fête de l’Esprit! Pâques divine qui descend des cieux sur la terre et de la terre remonte vers les cieux! O solennité nouvelle! Assemblée de toute la création! O joie universelle! Honneur, festins, délices, par quoi la mort ténébreuse est anéantie, la vie prodiguée à toute créature, les portes du ciel ouvertes!

Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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