- Charles Delhez
Ce Dieu inutile – IV
On a souvent réduit Dieu à être utile. Mais l’utilitarisme se marie si mal avec un Dieu Amour. Il faut à tout prix déplacer la question de Dieu. Tant qu’elle se situera sur le terrain de l’utile, elle nous mènera à l’impasse. La poser au coeur de la gratuité et de la surabondance, en lien avec l’amour, l’art et la fête, nous conduira tout droit au Mystère ineffable.
Dieu a longtemps servi à boucher les trous de la science. Au lieu de se laisser toucher par ce grand poème que sont les récits de la création, on y a cherché des renseignements sur la fabrication du cosmos et on a fait du Créateur le premier des bricoleurs. Cette conception a conduit au divorce entre la foi et la science. Nombreux sont encore aujourd’hui ceux qui n’ont pas compris que science et foi se meuvent dans leur sphère propre et qu’elles ne sont pas en concurrence. La science cherche le comment des choses pour avoir prise sur elles et maîtriser le monde par la technique. La foi accueille un sens, un pour-quoi, et donne souffle à l’existence. Qui mettrait en concurrence la science et l’amour? Pourquoi invente-t-on des rivalités entre la science et Dieu?
Dieu a également été enrôlé comme gendarme. Il était chargé de surveiller le stade où se déroule la vie des hommes. A la fin de la compétition, Il donne les résultats: récompense pour les bons, punition pour les mauvais. Jésus Lui-même s’est senti mal à l’aise dans ce cadre. Il ne s’est pas privé de montrerr aux Pharisiens à quel point leur attitude différait de celle du Dieu-Père. On lui a alors reproché de faire bon ménage avec les pécheurs et de pardonner un peu vite les péchés…
Nous souhaiterions que Dieu soit l’exécuteur de notre impossible justice et qu’Il exauce notre désir d’être estimé à notre exacte valeur. Mais le Royaume n’est pas affaire de balance ni de décorations. Il est fête pour l’enfant prodigue.
Charles Delhez, Ce Dieu inutile (coll. Foi Vivante/Lumen Vitae & Fidélité, 1995)
image: Charles Delhez (cathobel.be)