Chemins de traverse – 520 / Emily Dickinson

Emily Dickinson

Le son le plus triste, le son le plus doux,
Le son le plus fou qui enfle,
– C’est celui que font les oiseaux, au printemps,
Quand la nuit délicieusement tombe,
Sur le fil, entre mars et avril –
Frontière magique
Au-delà de laquelle l’été hésite,
Presque divinement trop proche.

Il nous fait penser à tous ces morts
Qui ont traversé la vie en flânant avec nous,
Et que la sorcellerie de la séparation
Nous rend cruellement plus chers encore.

Il nous fait penser à ce que nous eûmes,
Et dont nous déplorons la perte.
Nous en souhaiterions presque que ces voix de sirènes
S’en aillent et se taisent.
L’oreille peut briser le coeur humain
Au vif comme un javelot.
On voudrait que le coeur ne soit pas
Si dangereusement près de l’oreille.

Emily Dickinson, Poèmes non datés, dans: Oeuvres complètes (Flammarion, 2009)

image: http://kathy85.unblog.fr

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