Morceaux choisis – 678 / Dietrich Bonhoeffer

Dietrich Bonhoeffer

Qui suis-je?
Souvent ils me disent que de ma cellule
je sors détendu, ferme et serein,
tel un gentilhomme de son château.

Qui suis-je?
Souvent ils me disent qu’avec mes gardiens
je parle aussi librement, amicalement et franchement
que si j’avais, moi, à leur donner des ordres.

Qui suis-je?
Ils me disent aussi que je supporte
les jours de l’épreuve,
impassible, souriant et fier,
comme quelqu’un qui est habitué à vaincre.

Suis-je vraiment celui qu’ils disent?
Ou seulement cet homme que moi seul connais?
Inquiet, malade de nostalgie, pareil à un oiseau en cage,
cherchant mon souffle comme si quelqu’un m’étranglait,
avide de couleurs, de fleurs, de chants d’oiseaux,
assoiffé d’une bonne parole, de proximité humaine,
tremblant de colère au spectacle de l’arbitraire
et de l’humiliation la plus mesquine,
agité par l’attente de grandes choses,
craignant et ne pouvant rien faire
pour des amis terriblement loin,
trop fatigué et vide pour prier, pour penser,
pour entreprendre,
las et prêt de tout abandonner?

Qui suis-je?
Celui-ci ou celui-là?
Suis-je aujourd’hui celui-ci et demain un autre?
Suis-je les deux à la fois?
Un hypocrite devant les hommes
et devant moi un faible, piteux et méprisable?
Ou bien ce qui est en moi
ressemble-t-il à l’armée vaincue,
qui fuit en désordre devant la victoire déjà remportée?

Qui suis-je?
Ce questionnement solitaire me tourne en dérision.
Qui que je sois, Toi, tu me connais:
je suis Tien, ô Dieu!

Dietrich Bonhoeffer, Viens suis-Moi, dans: Jean Vanier, Prières glanées (Editions Fidélité, 2014)

image: http://www.nikeairjordanshoes13.com

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