Bernadette Feroumont
Quand je te parle, je te vouvoie. Dans mon silence, je te tutoie. Plus petite à quatre-vingt ans qu’une grande fille de dix ans, tu prends dans le lit une toute petite place, sitôt que tu te recroquevilles un peu. Mais souvent, tu t’agites, tu marmonnes, tu fais à toute vitesse un drôle de signe de croix. Tu cherches mon regard, tu lances ta jambe toute maigre vers le bord du lit. Tu veux continuer l’aventure, debout. Petite femme au prénom rond comme un sourire, tu as couru sur tant de routes – Je le sais, ton fils me l’a dit.
Laisse-toi reposer un peu, tu fatigues ton coeur. Tu t’agites, tu marmonnes, tu me souffles: j’ai peur. Tu ajoutes après un soupir: j’ai peur de mourir. Je te caresse le bras, la main, le front quand tu te calmes un peu. T’apaiserais-tu quelques instants? Un bruit léger et tes paupières palpitent. Oui, je suis là, tout proche. Tu me souris, petite souris. Je voudrais que ta peur s’envole. Regarde, elle s’effiloche dans les plis de ma tendresse. Jusqu’à quand?
Bernadette Feroumont, Mirabelle, dans: Accompagner la vie jusque-là (L’Harmattan, 2015)
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