Laudem Gloriae – 21 / Charles Journet

Laudem Gloriae – XXI. Charles Journet

Ce que contient une Messe, c’est un infini de richesse, de supplication et de réponse. Jamais l’Eglise n’épuise le contenu d’une Messe, c’est toujours plus qu’elle n’en peut prendre. Il faut considérer, d’abord et avant tout, le mouvement de descente de la plénitude divine vers les hommes; et, ensuite seulement, ce qui en est comme un écho affaibli: le mouvement de montée par lequel les hommes, ainsi prévenus, se tournent vers leur Dieu.

Si Jésus n’était pas le Verbe fait chair, l’Eucharistie serait impossible. C’est pourquoi Il demande cette adhésion, ce consentement, ce oui profond au mystère de l’Incarnation; puis, il faut suivre Son itinéraire: Il s’est fait chair, Il s’est abaissé, Il s’est humilié, Il a pris la condition humaine, Il s’est fait homme et obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la Croix: c’est une nouvelle étape, le mystère de la rédemption dans le sang.

L’heure du Christ, où Il glorifiera le Père par le pouvoir sur toute chair qui Lui a été conféré, est l’heure solennelle du monde. La Croix du Christ étend ses bras sur le passé et sur l’avenir. Son ombre lumineuse la précède et remonte jusqu’aux premiers jours d’après la chute; sa lumière cachée la suit et redescend jusqu’aux derniers jours du monde.

Le Christ est prêtre au sens souverain.

L’office du prêtre est de donner le peuple à Dieu et de donner Dieu au peuple. La Croix est le lieu de passage de toute la prière du monde vers Dieu et de toute la réponse de Dieu au monde. Les lectures transmettent le message de la foi, avant que s’accomplisse le mystère de la foi. C’est ainsi que l’Ecriture, parole du Christ, annonce l’Eucharistie, présence du Christ. Tels sont les deux trésors de l’Église.

Le Christ s’offre Lui-même, entraînant l’Eglise qui est l’Epouse, pour qu’elle puisse entrer dans l’offrande, comme la Vierge au pied de la Croix; l’Église qui consent, qui dit oui. Chaque fois qu’un prêtre, parce qu’il est consacré pour cela, prononce validement ce rite, le Christ dans Sa gloire, par la toute-puissance de Sa divinité, s’en empare pour ouvrir ce moment-là sur la Croix.

La Croix est gardée dans l’éternité, c’est la plus splendide étoile des miséricordes divines. Les choses qui passent ici-bas restent présentes dans l’éternité divine. L’offrande du Sauveur est partie d’un moment du temps et d’un point de l’espace, et elle s’est enfoncée dans l’éternité divine où elle est toujours vivante. Et tant que le monde dure, le Sauveur Jésus, qui est maintenant dans la gloire, ne veut pas nous sauver autrement qu’à travers sa Croix, et, à un moment donné, il y a ce rayon de la Croix sanglante qui vient au milieu de nous, mais enveloppé dans la douceur du rite.

Le sacrifice de la Croix ne va pas sans participation de l’humanité. Elle est appelée à s’y plonger: pour être rachetée; pour offrir, elle aussi, le Christ rédempteur, Le suivre dans l’offrande qu’Il fait de Lui-même, pour s’efforcer, en Lui et par Lui, d’être corédemptrice. Ainsi, l’humanité constitue, à chacune de ses étapes, l’Eglise, qui est le corps du Christ; et la Croix est l’arbre où se change en sang l’offrande humaine de tous les temps. 

Cet acte, par lequel le Sauveur Jésus, il y a deux mille ans, sauvait tous les temps et tous les espaces, s’est enfoncé dans l’éternité divine où Il est impérissablement présent et est réactualisé chaque fois qu’il y a une consécration. Les apparences séparées du pain et du vin vont désigner, dans la douceur de ces humbles choses, la tragédie de la Croix sanglante. A l’acte d’offrande, Dieu répond par une miséricorde descendant à travers la Croix, sur toute l’humanité de tous les temps. Au moment de la consécration, les deux mille ans qui nous séparent de la Croix sont abolis: nous sommes là comme l’étaient la Sainte Vierge et saint Jean.

Quand un prêtre consacre, le Christ, trouant ce moment du temps, envoie dans les ténèbres du monde un rayon de Sa passion qui déséquilibre les puissances du mal, purifie les profondeurs de l’univers, afin que s’affirme la toute-puissance salvatrice de la Croix qui va prendre tous ceux qui s’attachent à elle, avec leur misère humaine, pour la résurrection. 

Au moment de la consécration, quelle que soit la dévotion du prêtre, il est dépassé par ces mystères-là. Que peut-il sinon en être, à certains moments, comme enivré? On voudrait mourir… C’est le moment, mon Dieu! C’est le moment, Jésus! On n’aurait pas peur de toute cette misère du péché présent, de toutes les difformités qu’on sent en soi, on n’aurait pas peur parce que c’est le sang de la Croix qui est là.

Le mystère de l’Eucharistie est le mystère où bat le cœur de l’Eglise, où Dieu touche notre terre, de la manière la plus immédiate, pleine de la brûlure de Son amour. Chaque Messe est, à travers la Croix du Christ, une grande bénédiction, une explosion silencieuse de l’Amour, une grande descente de Dieu dans le monde pour empêcher qu’il périsse et que le mal en lui l’emporte sur le bien.

Et, en retour, chaque Messe provoque, dans une partie cachée du monde, une réponse d’amour, qui, à travers la Croix du Christ, monte jusqu’à Dieu.

Charles Journet, Le mystère de l’Eucharistie / extraits (christ-roi.net)

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