Morceaux choisis – 700 / Philippe de Jésus-Marie

Philippe de Jésus-Marie

L’espérance est la vertu du pèlerin, de l’homme en chemin: homo viator. Elle est, en creux, la marque, l’empreinte d’un don, d’un accomplissement que l’homme attend. Elle est tension vers une promesse dont il attend la pleine réalisation. Cette fin que l’homme poursuit, si elle est à l’origine de son pèlerinage, est tout autant à son origine. La fin est toujours première dans nos décisions, dans nos déplacements. L’espérance est le moteur, le mobile de notre marche. La mystérieuse raison qui me donne de faire aujourd’hui un pas de plus, quoiqu’il m’en coûte… Elle est comme un moteur à deux temps: celui de la perception du bien désiré et celui de la tension mise en oeuvre pour obtenir ce bien.

Dieu est le bien absolu désiré, le seul bien capable de rassasier notre désir. Et comme ce bien ne saurait être saisi, poursuivi par nos forces naturelles, il ne peut être obtenu que par l’oeuvre de Dieu en nous, par Sa grâce. Espérer, pour un chrétien, c’est attendre Dieu de Dieu Lui-même. C’est laisser Dieu le soulever au-delà de tous ses espoirs humains! Le pape Benoît XVI rappelait cette puissance de l’espérance théologale dans son encyclique Spe Salvi: Nous avons besoin des espérances – des plus petites aux plus grandes – qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance qui doit dépasser tout le reste, elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut être que Dieu seul, qui embrasse l’univers, et qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre. 

L’espoir habite peu ou prou le coeur de chaque homme en l’engageant à marcher vers un lendemain meilleur, ou à travailler pour la réalisation de ses projets. Son dynamisme provient d’une tension vers l’avenir, vers ce qui n’est pas encore: le creux de l’espérance est toujours là qui le taraude. L’espérance théologale, elle, est habitée par un dynamisme beaucoup plus mystérieux et profond, qui est celui de la vie surnaturelle. Celle-ci ne se déploie pas de manière linéaire selon l’axe du temps, mais elle est accueil d’un mystère toujours nouveau: celui de l’éternité qui advient dans le temps, celui de Dieu qui se donne à l’homme, celui de l’infini qui se déploie dans notre finitude. L’espérance est donc, comme Dieu, du côté du nouveau, de l’inouï, du perpétuel renouvellement, aux antipodes du mal, de la répétition, de la monotonie, et donc du désespoir…

Si paradoxal que cela paraisse, l’espérance surnaturelle consiste avant tout à ne pas songer à l’avenir. Car l’avenir est la patrie de l’irréel, de l’imaginaire. Le bien que nous attendons de Dieu réside dans l’éternel, non dans l’avenir. Et le présent seul donne accès à l’éternel. Se réfugier dans l’avenir, c’est désespérer du présent, c’est préférer un mensonge à la réalité que Dieu nous envoie goutte à goutte chaque jour. (Charles Péguy, Le porche du mystère de la deuxième vertu)

Philippe de Jésus-Marie, L’espérance ou la petite fille en chemin / extraits, dans: Vives Flammes no 305 – L’espérance (Ed. du Carmel, 2016)

image: http://www.dissapore.com

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