Artaban, le quatrième roi mage – 1

Henry van Dyke

Artaban, le quatrième roi mage – I

Chacun connaît l’histoire des trois mages venus du lointain orient pour offrir leurs présents à l’enfant né dans une étable de Bethléem. Mais peu connaissent l’histoire du quatrième mage, qui lui aussi avait vu l’étoile et s’était aussi mis en route pour la suivre… C’est qu’il n’arriva pas jusqu’à l’enfant Jésus avec ses présents: sa quête dura trente-trois ans et s’acheva d’une étonnante façon. C’est cette histoire que je vais vous conter.

A l’époque où César Auguste régnait sur l’Empire romain et Hérode à Jérusalem, ce mage nommé Artaban vivait à Ecbatane, une cité des montagnes de Perse. Sa maison se trouvait à l’extérieur des sept murailles qui protégeaient le trésor royal. De son toit, il pouvait voir par dessus les sept murs le palais des empereurs Parthes scintillant de mille feux comme un bijou sur une couronne. La maison d’Artaban était entourée d’un beau jardin dont les fleurs et les arbres fruitiers étaient irrigués par une vingtaine de jets d’eau et une multitude d’oiseaux y chantaient joyeusement.

C’est dans cette belle demeure qu’Artaban reçut dans la douceur d’une nuit de septembre neuf de ses amis magiciens, adorateurs comme lui de Zoroastre. Après avoir chanté le bel hymne à  Ahura-Mazda, divinité du Bien, autour d’un petit autel d’où s’échappait le parfum des huiles parfumées, Artaban se tourna vers ses amis et leur dit : Mes amis, fidèles disciples de Zoroastre, vous êtes venus ce soir à mon appel ranimer votre foi autour du feu de cet autel. J’ai quelque chose d’important à vous dire: une nouvelle lumière est venue à moi par le plus antique de tous les signes. Avec mes compagnons mages, Gaspard, Melchior et Balthazar, j’ai vu un nouvel astre briller une nuit puis disparaître

Nous avons étudié le ciel: cette année a lieu une grande conjonction de planètes dans le signe du poisson qui est la maison des Hébreux. Or la prophétie de Balaam, fils de Beor ne dit-elle pas qu’une étoile viendra du pays de Jacob et qu’un sceptre proviendra d’Israël?. Nous pensons que le signe venu du ciel annonce cet évènement. Mes trois frères observent le ciel depuis le temple antique des sept sphères à Babylone et moi-même je l’observe d’ici. Si l’étoile brille à nouveau, j’irai les rejoindre et nous irons ensemble à Jérusalem pour voir et adorer ce Roi d’Israël. Je suis sûr que le signe viendra et je suis prêt pour le voyage. J’ai vendu mes biens et acheté trois bijoux, un saphir, un rubis et une perle. Je les offrirai en hommage au nouveau Roi.

Tandis qu’il parlait, Artaban sortit d’un repli caché de son vêtement trois magnifiques pierres, l’une bleue comme un fragment du ciel, la seconde plus rouge qu’un lever de soleil, et la troisième plus pure que la neige au sommet d’une montagne.

Mes amis, venez avec moi pour ce pèlerinage, nous aurons la joie de trouver ensemble ce prince digne d’être servi!

Mais les amis portèrent sur Artaban un regard étrange. Ces affirmations étaient incroyables, le projet de voyage irréaliste… Ton rêve est vain dit l’un d’eux. Il serait plus sage d’utiliser cet argent pour le nouveau temple à Chala dit un autre. Aucun Roi ne sortira jamais de ce peuple vaincu d’Israël dit un troisième…

Quant aux autres, ils montrèrent aussi peu d’enthousiasme: l’un ne pouvait s’absenter du Palais, retenu par son travail, un autre venait de se marier, un autre encore avait une santé trop fragile pour voyager… Bref, tous quittèrent la maison d’Artaban, le laissant seul avec son rêve…

Seul Agbarus, le plus âgé d’entre eux s’attarda après que les autres aient disparu et dit à Artaban: Mon fils, il se peut que la lumière de la vérité soit dans ce signe qui est apparu dans les cieux. Alors elle te mènera sûrement au Prince. Mais si elle n’est que l’ombre de la lumière,  alors tu feras un long pèlerinage et une recherche stérile. Mais il vaut mieux suivre l’ombre du meilleur que se contenter du médiocre. Ceux qui entrevoient des merveilles sont souvent seuls dans leur voyage. Vas-y en paix, je suis trop vieux pour t’accompagner, mais mon coeur sera avec toi tout au long de ta quête.

Artaban se retrouva seul. Le ciel était clair, les rayonnements de Jupiter et Saturne entremêlés donnaient l’impression que les deux astres n’en formaient plus qu’un seul. Soudain, une étincelle d’azur jaillit de l’obscurité s’entourant d’un halo pourpre et lançant des rayons safran et orange puis se transformant en un point blanc d’une intense luminosité, comme si les trois bijoux cachés dans la ceinture du mage s’étaient unis et transformées en coeur vivant de lumière. 

C’est le signe, s’écria Artaban. Le Roi vient, je pars à sa rencontre!

sources: http://club-vla-noel.voila.net 

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