Morceaux choisis – 76 / Thérèse de l’Enfant Jésus

Thérèse de l’Enfant Jésus (Thérèse de Lisieux)

Comment une âme aussi imparfaite que la mienne peut-elle aspirer à posséder la plénitude de l’Amour?… 0 Jésus! mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime uniquement, dis-moi quel est ce mystère? Pourquoi ne réserves-Tu pas ces immenses aspirations aux grandes âmes, aux aigles qui planent dans les hauteurs ?… Moi je me considère comme un faible petit oiseau couvert seulement d’un léger duvet, je ne suis pas un aigle, j’en ai simplement les yeux et le coeur, car malgré ma petitesse extrême j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l’Amour et mon coeur sent en lui toutes les aspirations de l’aigle… hélas! tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en son petit pouvoir! Que va-t-il devenir? mourir de chagrin se voyant aussi impuissant?… Oh non! le petit oiseau ne va pas même s’affliger.

Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son Divin Soleil; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent ni la pluie, et si de sombres nuages viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petit oiseau ne change pas de place, il sait que par delà les nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait s’éclipser un seul instant. Parfois il est vrai, le coeur du petit oiseau se trouve assailli par la tempête, il lui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que les nuages qui l’enveloppent; c’est alors le moment de la joie parfaite pour le pauvre petit être faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même, de fixer l’invisible lumière qui se dérobe à sa foi!… 

Thérèse de Lisieux, Manuscrit B, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1992)

image: Francis Poulenc, Dialogue des Carmélites (francemusique.fr)

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